Bernard Verspieren, le Malien blanc

Publié le 2 décembre 2003 Lecture : 3 minutes.

Le père Bernard Verspieren est mort dans la nuit du 24 octobre, à Paris. Il avait 79 ans.
De nombreux Maliens auraient souhaité qu’il soit enterré près de Bamako, dans le pays où il a passé la majeure partie de sa vie, mais il l’a finalement été, le 29 octobre, dans sa ville natale de Roubaix, dans le nord de la France, en présence de nombreux responsables français et africains. Et notamment d’une importante délégation malienne conduite par Badi Ould Gandfou, ministre délégué à la Réforme de l’État et aux Relations avec les institutions.
Bernard Verspieren est né dans une famille de grands capitaines d’industrie férus de voyages. Enfant, les récits de l’évêque de Bamako, ami de ses parents, le fascinaient. Sa sur Marguerite se souvient du jour où il annonça son intention d’entrer au séminaire : « Bernard le bon vivant voulait devenir curé ! Se faire missionnaire était pour lui le moyen
de réussir sa vie sur le plan spirituel, mais il était bien jeune… »

En 1950, à 26 ans, il est ordonné prêtre à Carthage et envoyé au Mali. Pendant plus de vingt ans, cet inlassable bâtisseur participe à la construction de six églises dans la
région de Mandiakuy et évangélise les populations. Très vite, pourtant, il juge l’Église trop formaliste. « C’est bien beau de vouloir célébrer l’eucharistie avec du pain et du vin, tempêtait-il, mais les Africains n’ont ni l’un ni l’autre ! » Ce père blanc est décidément peu conformiste et l’évêché local finit par s’en émouvoir : ne déplore-t-il pas publiquement le célibat imposé aux prêtres ? En 1973, il quitte le Mali pour parcourir le monde. À son retour, le ministre malien de l’Agriculture lui demande d’aider
les populations à lutter contre les ravages de la sécheresse.
Verspieren décide de relever le défi. Avant son périple autour du monde, il avait créé deux écoles d’agronomie et lancé le projet fou de faire des rives arides du Niger une oasis de verdure.

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Avec l’aide d’un ami malien, un pêcheur bambara rencontré en 1967, il était parvenu à mener à bien son projet en créant la ferme expérimentale de Teriya-Bugou. Le domaine sert de laboratoire pour la mise au point de méthodes modernes d’irrigation utilisant les
énergies solaire et éolienne. En 1974, décidant de passer de « l’eau bénite à l’eau potable », il crée l’association Aqua Viva Mali qui creusera plus de quatre mille puits
dans tout le pays. Un Malien sur dix est aujourd’hui alimenté en eau potable grâce aux réalisations de cette association. « Il faut donner à boire et à manger aux miséreux
avant de les baptiser », répétait le père Verspieren, qui avait fait sienne la maxime du pape Jean XXIII : « Pas d’évangélisation sans développement. »
Reste que cet homme indépendant suscita des critiques bien au-delà de l’évêché de Bamako. Certains lui reprochaient de régner en maître absolu sur les cinq cents âmes de son village et dénonçaient une forme de paternalisme voire de néocolonialisme. Quoi qu’il en soit, les visiteurs ne manquaient pas d’être frappés par l’éclatante santé de ses ouailles, qui toutes, ou presque, possédaient leur mobylette, cadeau du seigneur local. « La religion n’était pas de rigueur à Teriya-Bugou, mais plutôt le boulot, se souvient
Fanta Ba, épouse du plus proche collaborateur du père. Ici, tout le monde travaillait. » Et quand ils étaient trop vieux pour le faire, Verspieren leur achetait une petite
maison aux portes du domaine.

Au-delà de ces méthodes inspirées des pratiques patronales en usage dans le nord de la France au début du siècle, le prêtre a fait beaucoup pour son pays d’adoption. Son association d’aide au développement a financé la rénovation de l’orphelinat de la capitale, offert des prothèses orthopédiques à des centaines d’enfants handicapés et des panneaux solaires aux femmes célibataires de la région de Bamako pour leur permettre de cultiver leurs quelques arpents de terre. Le plus bel hommage lui a sans doute été rendu par Fanta Ba : « Le père, dit-elle, laisse derrière lui davantage d’orphelins que bien des pères de famille. »

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