Crise de conscience au National Geographic

Sous la forme d’un mea culpa, le magazine National Geographic a reconnu à la mi-mars avoir réalisé pendant des décennies des reportages « racistes ». Si ce geste a de quoi réjouir, il n’est pas dépourvu de calcul, selon le sociologue Michel Bampély.

Des couvertures du magazine National Geographic. © Flickr/CC/greyloch

Des couvertures du magazine National Geographic. © Flickr/CC/greyloch

Michel Bampély © DR

Publié le 5 avril 2018 Lecture : 2 minutes.

Tribune. Certaines lectures sont censées vous mettre du baume au cœur. Comme cet éditorial aux allures de mea culpa du National Geographic, publié à la mi-mars sur le site de l’emblématique magazine américain, qui fête ses 130 ans. « Pendant des décennies, nos reportages étaient racistes », écrit sa rédactrice en chef, Susan Goldberg, en prélude au numéro spécial d’avril sur le concept de race.

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Pour arriver à cette confession, on a passé au crible les archives du journal créé en 1888. On a ainsi exhumé cet article de 1916, où les Aborigènes d’Australie sont qualifiés de « sauvages » et classés parmi « les moins intelligents des êtres humains ». Ou encore ces portraits de femmes fascinées par l’appareil photo, qui illustrent la dichotomie entre civilisés et non-civilisés.

Alors qu’il avait le pouvoir de les limiter, le National Geographic a entretenu les préjugés jusque dans les années 1970

Le titre ignore celles qui vivent aux États-Unis, en particulier les femmes de couleur. Les reportages réalisés en Afrique du Sud dans les années 1960 passent sous silence les massacres des Noirs par la police de Sharpeville qui, pourtant, choquent le monde entier. Alors qu’il avait le pouvoir de les limiter, le National Geographic a entretenu les préjugés jusque dans les années 1970.

Marketing lié à la mondialisation

Ce n’est pas le premier journal à faire amende honorable en reconnaissant avoir eu une vision du monde fondée sur la hiérarchie des hommes et des cultures. Pour se faire pardonner ses pages nécrologiques consacrées aux seuls hommes blancs, le New York Times a mis à l’honneur, le 8 mars, « quinze femmes remarquables » disparues.

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Ces gestes de contrition ont de quoi réjouir a priori. Mais ils ne sont pas dépourvus de calcul. Ils témoignent aussi d’une adaptation à la mondialisation. L’entreprise doit tenir compte des revendications égalitaires des minorités.

Les industries culturelles ont ouvert la voie en corrigeant les stéréotypes portant sur des groupes ethniques. L’aggiornamento de Susan Goldberg cache un coup marketing qui consiste à se réinventer pour s’ouvrir à de nouvelles clientèles.

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D’autant que le développement des systèmes d’information et de communication ainsi que la libre circulation des œuvres et des savoirs révèlent au grand public l’apport des « cultures indigènes » à la construction des civilisations occidentales.

Le mensuel souhaite rompre avec son passé élitiste et colonialiste. Susan Goldberg confie être « la première rédactrice en chef, juive de surcroît : deux groupes qui ont eux aussi été discriminés aux États-Unis ». En réhabilitant les tribus africaines, elle ouvre ainsi au magazine américain un chemin historique de rapprochement entre les peuples.

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