Afriland First Bank sur tous les tableaux

Banque d’affaires à vocation internationale, le groupe présidé par Paul Fokam se veut, avant tout, profondément africain. Le paradoxe n’est qu’apparent…

Publié le 1 décembre 2003 Lecture : 4 minutes.

Pour Afriland First Bank, 2002 est décidément l’année de tous les records. Son bilan total culmine à 141 milliards de F CFA (215 millions d’euros, + 13 % par rapport à l’année précédente), alors que les dépôts de sa clientèle ont augmenté de 21 % pour atteindre 118 milliards, dont plus de 70 % placés sur des comptes épargne. Quant au résultat net d’exploitation (1,4 milliard de F CFA), il fait un bond de 32 %. Bref, le groupe présidé Paul Kammogne Fokam confirme son ambition de devenir la troisième banque du Cameroun à l’horizon 2005. Une ambition qui n’a rien de démesuré, même si ses concurrents directs ne sont pas les premiers venus, qu’il s’agisse de la Banque internationale du Cameroun pour l’épargne et le crédit (BICEC), du groupe Banques populaires, du Crédit Lyonnais du Cameroun ou de la Société générale de banque du Cameroun (SGBC).
Mais les espoirs du groupe ne se limitent pas à son pays d’origine. À l’instar de la Bank of Africa, d’Ecobank ou de la BGFI Bank, Afriland a aujourd’hui pignon sur rue dans plusieurs pays subsahariens. Déjà présente en Guinée équatoriale depuis 1994 sous le nom de CCEI Bank (Caisse commune d’épargne et d’investissement), elle a récemment ouvert une succursale dans le port congolais de Pointe-Noire, ainsi qu’à São Tomé e Príncipe, en 2002. Cette même année, le groupe a pris pied en Côte d’Ivoire via une prise de participation dans le capital de la banque Omnifinance. Des partenariats ont en outre été mis en place avec des établissements comme la Banque de développement du Tchad, la Société marocaine de dépôt et de crédit et la First National Bank of South Africa.
Pourtant, à en croire son patron, Afriland First Bank n’est pas une banque panafricaine. « Ce terme désigne un agglomérat d’entités qui auraient perdu leur identité, explique Fokam. Je préfère parler de « banque africaine », puisque, par ses racines, sa culture et ses actions, notre entreprise l’est en effet profondément. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle nous avons, l’an dernier, changé de raison sociale. « Afriland » souligne notre attachement au continent et « First » notre ambition professionnelle. »
Pourtant, les objectifs du groupe débordent largement le continent. Des bureaux ont ainsi été ouverts en France et en Chine, et plusieurs autres partenariats lui assurent une représentation en Amérique et en Europe occidentale. En fait, la démarche de Paul Fokam est double : « Nous voulons, dit-il, développer des partenariats entre l’Afrique et le reste du monde à travers nos activités de banque d’affaires. Et parallèlement, mobiliser l’épargne de la diaspora. »
De manière générale, le problème des banques africaines n’est certainement pas le manque de liquidités. Faute de projets « bancables », ce serait même plutôt le contraire ! « C’est pourquoi Afriland s’efforce de répondre aux demandes de financements à long terme, commente Fokam. Car ce sont ces services financiers qui font le plus défaut aux entreprises. La Bourse des valeurs mobilières d’Afrique centrale, à Libreville, ou le Douala Stock Exchange ne pourront remplir leur mission tant que des mesures destinées à promouvoir l’investissement en Afrique centrale ne seront pas mises en place. Il faut au préalable modifier l’environnement des affaires et réduire de manière significative le coût des facteurs de production. Tant que la situation n’évoluera pas, la Bourse restera une coquille vide. »
Faute d’instruments financiers communautaires, Afriland a donc choisi de développer des produits adaptés, en misant notamment sur les fonds de capital-risque. En 1998, avec le soutien de la coopération néerlandaise, il crée Cenainvest (Central Africal Investment), un outil de capital-risque destiné aux entrepreneurs africains souhaitant réaliser des investissements à moyen et long terme (sept ans en moyenne). À ce jour, plus de 2,3 milliards de F CFA ont ainsi été mobilisés par le biais de diverses prises de participation.
Enfin, même s’il a surtout des activités de banque d’affaires (60 % de son chiffre d’affaires), le groupe ne néglige pas sa clientèle de base : les PME du secteur formel et les petits commerces informels, ainsi que les ménages désireux d’acquérir des produits financiers. Contrairement aux filiales des multinationales, qui appliquent sur le terrain des recettes « universelles », Afriland met l’accent sur l’adéquation entre ses services et leurs usagers. Dans les pays où existent des communautés musulmanes importantes, elle a lancé le compte de dépôt islamique, respectueux des règles imposées par l’islam (absence d’agios, d’intérêts et de frais de tenue de compte), et propose une épargne « spécial pèlerinage ». Plutôt que d’investir dans des équipements monétiques inaccessibles au plus grand nombre (comme les ditributeurs automatiques de billets), Afriland a choisi de développer le Flash Cash, un outil bancaire qui permet de remplacer l’argent liquide par des contre-valeurs certifiées. Autre produit en cours de lancement, la e-card, un instrument de paiement sécurisé qui permettra aux clients d’éviter de transporter de grosses sommes en espèces.
Enfin, le groupe s’intéresse à la finance comme outil de développement social. Il est à l’origine d’un réseau d’une cinquantaine d’établissements de microcrédit baptisés MC2, ou Muffa (Mutuelles financières des femmes africaines). Docteur en gestion et enseignant au Conservatoire national des arts et métiers (Paris), le Bamiléké Paul Fokam se veut profondément afro-optimiste. Passionné par les cultures africaines, il est parvenu à bâtir un groupe financier sans renier ce qui fait sa spécificité. L’établissement qu’il préside respecte scrupuleusement les normes « prudentielles » internationales sans pour autant se couper de sa clientèle de Bafoussam ou de Kousseri.

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