Sierra Leone : Julius Maada Bio élu président 22 ans après son coup d’État
Julius Maada Bio, le candidat du principal parti de l’opposition en Sierra Leone, a été déclaré mercredi officiellement vainqueur de l’élection présidentielle et retrouve le pouvoir, 22 ans après l’avoir brièvement exercé suite à un coup d’État « démocratique ».
Julius Maada Bio, un ancien militaire de 53 ans, l’a emporté lors du second tour du 31 mars avec 51,81% des voix, contre 48,19% pour le candidat du parti au pouvoir, Samura Kamara, a annoncé en milieu de soirée le président de la Commission électorale nationale (NEC), Mohamed Conteh.
Des cris de joie ont immédiatement éclaté à Freetown, parcourue par des milliers de supporteurs du Parti du peuple de Sierra Leone (SLPP), dans l’opposition depuis 10 ans.
Par groupes de quelques dizaines ou centaines, les électeurs du SLPP chantaient et dansaient au milieu des rues en pente de la capitale de l’ancienne colonie britannique, indépendante depuis 1961.
Des jeunes, juchés sur des motos, se faufilaient entre les fêtards extatiques, exhibant les posters de campagne du président élu.
Cérémonie de passation
Deux heures après l’annonce de sa victoire, Julius Maada Bio, habillé d’une longue tunique blanche, a prêté serment dans une salle de conférence, bondée et surexcitée, d’un grand hôtel proche de l’océan où l’attendaient des centaines de proches, représentants des corps de l’État et diplomates étrangers.
Il a reçu du plus haut magistrat du pays un long bâton de commandement, symbole de la passation de pouvoir avec son prédécesseur, Ernest Bai Koroma, qui l’avait battu en 2012 mais ne pouvait plus se représenter après deux mandats de cinq ans.
Attendue en début de semaine, l’annonce du vainqueur a pris plusieurs jours de retard, l’APC ayant insisté pour qu’une compilation manuelle des résultats soit effectuée, en plus du comptage électronique, afin de parer à toute tentative de piratage dans une atmosphère de défiance entre les partis, les forces de sécurité et la NEC.
Échauffourées entre les partisans des deux camps
Au premier tour, le 7 mars, Julius Maada Bio avait déjà devancé de 15 000 voix Samura Kamara, un ancien ministre des Finances et des Affaires étrangères âgé de 66 ans personnellement choisi par Ernest Bai Koroma pour défendre les couleurs du Congrès de tout le peuple (APC).
En début de soirée, des centaines de partisans en colère du parti au pouvoir avaient envahi Freetown, après l’annonce de résultats non-officiels leur promettant la défaite.
Criant au « vol » de l’élection, dénonçant « l’influence étrangère » et arrachant les pancartes de Julius Maada Bio, les supporters de Samura Kamara ont cherché la confrontation avec les sympathisants du SLPP, a constaté un correspondant de l’Agence France Presse (AFP).
Julis Maada Bio avait rétabli rapidement le multipartisme et accepté de remettre le pouvoir en mars 1996 au président fraîchement élu, Ahmad Tejan Kabbah
Les membres des forces de l’ordre, armés de fusils et de matraques, ont établi un cordon de sécurité pour protéger le quartier général du SLPP, où des centaines de personnes avaient commencé à célébrer en musique la « victoire » de Julius Maada Bio dès la fin de l’après-midi, selon la même source.
Ils s’étaient ensuite dirigés vers un quartier périphérique de la ville, selon les médias locaux.
La campagne électorale a été marquée par des échauffourées entre partisans des deux camps et une montée des tensions ethniques.
Une économie fragile
Julis Maada Bio, taille moyenne, épaules larges, la démarche militaire, avait pris le pouvoir en janvier 1996 en évinçant le chef de la junte, le capitaine Valentine Strasser, dont il était le numéro deux. Mais il avait rétabli rapidement le multipartisme et accepté de remettre le pouvoir en mars 1996 au président fraîchement élu, Ahmad Tejan Kabbah.
Pendant la dernière campagne, il s’est engagé à réviser les concessions minières et les avantages fiscaux accordés aux compagnies étrangères et à instaurer une éducation primaire et secondaire gratuite pour tous les enfants sierra-léonais, alors que le pays demeure l’un des plus pauvres au monde.
Connu pour son franc-parler, il a aussi qualifié d’ »arnaques » les projets d’infrastructures financés par la Chine que privilégie l’administration du président Koroma.
Celle-ci a un bilan mitigé : si elle a réussi à attirer les investisseurs pour reconstruire le pays, dévasté par la guerre civile (1991-2002) qui a fait quelque 120 000 morts, l’économie reste fragile après les chocs de l’épidémie d’Ebola en 2014-2016 et de la chute des cours mondiaux des matières premières.
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