Sahara occidental : Mohammed VI accuse l’Algérie, Alger renvoie Rabat et le Polisario dos à dos

Dans un message adressé au secrétaire général de l’ONU, le roi du Maroc a plaidé, avec des mots très durs, pour qu’Alger prenne part aux négociations sur ce conflit historique. Alger, de son côté, refuse toute implication directe, et précise que ces négociations ne concernent que le Maroc et le Polisario.

Des hommes du Polisario, à Bir Lahlou, en septembre 2016. © REUTERS/Zohra Bensemra

Des hommes du Polisario, à Bir Lahlou, en septembre 2016. © REUTERS/Zohra Bensemra

ProfilAuteur_NadiaLamlili

Publié le 5 avril 2018 Lecture : 4 minutes.

Jamais le roi du Maroc n’a été aussi frontal dans ses accusations à l’encontre de l’Algérie. « L’Algérie a une responsabilité flagrante. L’Algérie finance, l’Algérie abrite, l’Algérie arme, l’Algérie soutient diplomatiquement le Polisario », a-t-il écrit au secrétaire général de l’ONU, António Guterres, dans un message qui lui a été remis mercredi 4 avril par le ministre des Affaires étrangères, Nasser Bourita, actuellement en visite à New York.

« Casus belli »

Derrière sa colère, des « incursions » d’éléments du Polisario dans les zones administrées par l’ONU récemment dénoncées par les Marocains mais tout de suite démenties par l’ONU. Rabat persiste pourtant à dire que des éléments du Polisario ont bel et bien pénétré à Tifariti et à Bir Lahlou, à l’est du mur de défense marocain, et dénonce « une grave violation de l’accord du cessez-le feu de 1991 ».

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Pour preuve, le ministre marocain a exposé devant le secrétaire général de l’ONU des images aériennes – prises par un satellite militaire marocain – montrant des travaux entrepris par le Polisario dans les zones précitées afin « d’ y transférer leur ministère de la Défense et le siège de la présidence de leur République ».

« Des images du 8 août montrent qu’il y avait des fondations dans cette zone. Une autre image du 26 mars montre que les constructions sont complétées et des casernes militaires sont déjà là », a déclaré Nasser Bourita selon l’agence officielle MAP. Pour les Marocains, le Polisario cherche à changer le statut juridique de cette zone régie par le droit international afin de s’y établir « par la force ». « Si rien n’est fait, le Maroc considérera cet acte comme un casus belli et en tirera toutes les conséquences », ont-ils menacé.

L’Algérie répond à Mohammed VI

Des combattants du Polisario, à Bir Lahlou, en septembre 2016. © REUTERS/Zohra Bensemra

Des combattants du Polisario, à Bir Lahlou, en septembre 2016. © REUTERS/Zohra Bensemra

Jeudi 5 avril, dans un communiqué publié par l’agence de presse officielle APS, le porte-parole du ministère  algérien des Affaires étrangères, Abdelaziz Benali Cherif , a déclaré que « l’Algérie prend acte avec satisfaction de la volonté du Secrétaire général des Nations unies, réitérée dans son rapport au Conseil de sécurité, de relancer le processus de négociation et de faciliter des négociations directes, de bonne foi et sans conditions préalables, entre les parties au conflit, le Royaume du Maroc et le Front Polisario ».

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Pour Alger, les deux parties concernées par les négociations sont le Maroc et le Polisario. Elle se déleste donc de toute responsabilité directe dans ce conflit, mais précise que les négociateurs doivent « parvenir à une solution juste, durable et mutuellement acceptable au conflit du Sahara occidental, qui pourvoie à l’autodétermination du peuple du Sahara occidental ».

Quant aux autorités de la République arabe sahraouie démocratique (RASD), elles « réfutent catégoriquement les allégations totalement dénuées de fondements portées par le représentant du  Maroc auprès des Nations unies ».

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« Le Maroc est déjà en train de chercher des prétextes pour se désengager  du processus de paix onusien », estime le Polisario, dans une déclaration relayée par Sahara Press Service, l’organe de presse de la RASD, dans laquelle le mouvement dénonce également la « rhétorique agressive du Maroc ».

Ce n’est pas la première fois que le Polisario organise des activités officielles dans ces zones tampons gérées par l’ONU. Que ce soit à Tifariti ou à Bir Lahlou – que le mouvement considère comme des « zones libérées » – il a notamment l’habitude d’y célébrer des défilés militaires. Son ancien chef, Mohamed Ould Abdelaziz, est même enterré à Bir Lahlou, localité où a été proclamée la RASD, il y a 42 ans.

Ban Ki-moon en conférence de presse après avoir rendu visite à des réfugiés d'un des camps de Tindouf, le 5 mars 2016. © Toufik Doudou/AP/SIPA

Ban Ki-moon en conférence de presse après avoir rendu visite à des réfugiés d'un des camps de Tindouf, le 5 mars 2016. © Toufik Doudou/AP/SIPA

En mars 2016, l’ancien secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, y avait fait escale, suscitant l’ire de Rabat et le déclenchement d’un long bras de fer entre lui et le royaume chérifien.

Ce que redoutent les Marocains en réalité, c’est que ces incursions répétées se transforment en fait établi. Ils citent l’exemple de Guergarat, zone gérée par l’ONU sur la frontière mauritanienne où le Polisario a installé du matériel militaire et tente depuis août 2016 de bloquer les convois commerciaux.

Nasser Bourita a effectué, lundi 2 avril, une visite à Paris – La France, membre du Conseil de sécurité, est un allié stratégique du Maroc sur la question du Sahara – afin d’y rencontrer son homologue, Jean Yves Le Drian. Deux jours plus tard, il s’est envolé à Washington pour rencontrer le Secrétaire d’État par intérim, John J. Sullivan.

D’ici le 25 avril, date à laquelle le Conseil de sécurité devra adopter une nouvelle résolution sur le Sahara, la tension restera donc à son maximum. D’ici là, Rabat n’a qu’une idée en tête : ramener Alger à la table des négociations et faire admettre à la communauté internationale la responsabilité algérienne dans le conflit qui l’oppose au Polisario depuis plus de 40 ans.

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