Mondial 2026 : les Marocains entre scepticisme et colère
La FIFA favorise-t-elle la candidature américaine, au préjudice du Maroc, pour l’organisation de la Coupe du monde en 2026 ? C’est ce que pense la Fédération royale marocaine de football (FRMF). Un avis partagé par une grande partie des acteurs du football marocain.
Hamza El Hajoui, le président du FUS-Rabat, résume le sentiment général qui prédomine au Maroc, après les révélations sur les critères techniques et le système de notation retenus par la FIFA, imposant des règles qui ne figuraient pas dans le cahier des charges initial. « Je suis un peu abasourdi et je ne suis pas le seul. Compte tenu de l’avancement du dossier, je trouve que ces nouvelles règles arrivent tardivement », résume le dirigeant du FUS.
« Tout le monde sait très bien que, si la Coupe du monde devait avoir lieu dans six mois, le Maroc ne serait pas prêt, contrairement aux États-Unis. Mais nous parlons d’une Coupe du monde qui aura lieu dans huit ans, en 2026, dans le cadre d’un projet de développement global. Et notre dossier est très solide. Le Maroc dispose déjà de nombreuses infrastructures sportives, hôtelières, au niveau des transports. Sa candidature vise justement à les améliorer ou à en construire de nouvelle », insiste-t-il encore.
J’ai l’impression qu’on cherche à favoriser le dossier adverse, même si la FIFA dit le contraire
Aujourd’hui, nombreux sont ceux à être convaincus que la FIFA cherche à favoriser le dossier adverse, porté par le trio États-Unis-Mexique-Canada. « Toute interprétation serait abusive. Nous nous préoccupons de notre dossier », tempère cependant Hamza El Hajoui.
Favoritisme ?
Fouad Chafik, le défenseur des Lions de l’Atlas et de Dijon (Ligue 1), ne cache pas son agacement. « C’est forcément décevant. Moi, j’ai l’impression qu’on cherche à favoriser le dossier adverse, même si la FIFA dit le contraire. Le président Lekjaa a eu raison de faire ce courrier et de le rendre public », estime-t-il. « Ce qui me surprend le plus, ce sont les questions liées à la population des villes hôtes (au moins 250 000 habitants) et que les aéroports accueillent au moins 60 millions de passagers par an ! C’est à se demander s’il n’y a pas une forme de défiance par rapport à l’Afrique et à sa capacité à organiser de grands événements. Si c’est le cas, cela fait mal… »
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Mustapha Hadji, un des meilleurs joueurs de l’histoire africaine et membre du staff technique des Lions de l’Atlas, se dit lui aussi surpris. « Le Maroc a un dossier très solide, qui prouve que le pays est capable d’organiser une Coupe du monde. Le Roi et le gouvernement ont donné toutes les garanties. Je pense que le principe de rotation doit être respecté et que l’Afrique doit être logée à la même enseigne que les autres continents. Une Coupe du monde au Maroc aura forcément de l’impact sur le continent », juge l’ancien milieu de terrain international (63 sélections). « Sincèrement, je suis étonné que des conditions nouvelles aient été imposées juste avant le dépôt des dossiers de candidature. »
Oui, la FIFA veut torpiller le dossier du Maroc
Si les acteurs du football marocains contactés par Jeune Afrique se montrent prudents sur le supposée volonté de la FIFA de favoriser la candidature adverse, un bon connaisseur du dossier, sous couvert d’anonymat, se montre beaucoup plus offensif.
« Cette décision est scandaleuse. Oui, la FIFA veut torpiller le dossier du Maroc. Et il faut comprendre les raisons de cette attitude. Déjà, la FIFA est-elle un organisme purement financier, et n’est-elle intéressée que par le nombre de billets qu’elle va vendre ? Tout le monde sait qu’une Coupe du monde aura un effet très limité aux États-Unis, au Mexique ou au Canada, qui accueilleraient beaucoup moins de matchs. Par contre, l’impact au Maroc serait immense ! La FIFA doit également se rappeler que ses compétitions doivent permettre à des pays d’améliorer toutes les infrastructures. C’est son rôle, mais en ce moment, elle a tendance à l’oublier », estime cette source.
« Curieusement, la FIFA semble aussi se désintéresser des problèmes de sécurité au Mexique et dans certaines villes américaines. Et la question de l’engagement des collectivités territoriales et des municipalités n’est étonnamment plus une priorité, alors que dans le dossier américain, des villes canadiennes et américaines ont refusé de suivre ! On oublie que, pour les supporters, une Coupe du monde organisée dans trois pays, c’est fatigant, contraignant et cher… Et pour les joueurs, c’est l’assurance d’avoir à effectuer des voyages moins longs. »
Raisons politiques ?
Notre interlocuteur rappelle également que « Gianni Infantino, le président de la FIFA, doit en partie son élection à Sunil Gulati, l’ancien président de la Fédération Américaine de Football (USSF, de 2006 à février 2018). Et que le nom d’Infantino a été cité dans l’affaire des Panama Papers. Ce que craint ce dernier, c’est le vote démocratique, puisque ce sera le Congrès, c’est-à-dire les fédérations affiliées à la FIFA, qui votera pour la première fois depuis 1966, et non pas le Comité exécutif de l’instance. »
La « Task Force », composée de cinq membres et qui devra noter les deux dossiers, se rendra au Maroc du 16 au 19 avril, après une première mission aux États-Unis, au Mexique et au Canada, du 9 au 13 avril.
« Je ne pense pas que cette commission, dont certains de ses membres sont proches d’Infantino, recalera le dossier marocain. Mais je ne serais pas étonné qu’elle lui attribue de mauvaises notes. Infantino essaie de faire croire que le vote par le Congrès est un processus transparent et démocratique, alors qu’il essaie de tout verrouiller, notamment avec cette Task Force composée de membres non élus. Pas grand-monde n’est dupe… » Et certainement pas les Marocains…
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