Pour des élections avec le Hamas

Publié le 31 octobre 2005 Lecture : 3 minutes.

L’annonce, par Ariel Sharon, qu’il empêchera les élections législatives palestiniennes de l’an prochain si le Hamas y participe est une mauvaise nouvelle pour Israël tout autant que pour le combat des États-Unis contre l’extrémisme islamique. Sharon dit qu’Israël a le pouvoir de bloquer les routes et d’utiliser les postes de contrôle (check-points) pour entraver le processus électoral : « Je ne pense pas qu’ils puissent tenir des élections sans notre aide », ajoute-t-il, et il a raison. Le Hamas, qui appelle à la destruction d’Israël, peut obtenir 40 % des suffrages, redoute l’État hébreu. « Et cela nous ramènerait dix ans en arrière », affirme un responsable gouvernemental. Mais empêcher les élections ramènerait Israël bien plus loin encore.
Aux journalistes, Sharon a déclaré qu’il avait averti le président George W. Bush et que celui-ci n’avait fait aucun commentaire : ce qui est étrange, le président ayant axé sa politique étrangère sur l’expansion de la démocratie au Moyen-Orient.
À n’en pas douter, dissuader les Palestiniens d’organiser des élections pleinement représentatives va à l’encontre de tout ce que défend le président. Après avoir reproché à tous les alliés arabes de l’Amérique de ne pas tenir de véritables élections contradictoires, pourquoi ne réagirait-il pas à une telle menace contre un scrutin démocratique ?
La Maison Blanche, par la suite, a fait quelque peu machine arrière. Un de ses porte-parole est allé jusqu’à dire qu’il appartenait aux Palestiniens de décider qui participerait aux élections, mais que le Hamas était un groupe terroriste et que les États-Unis ne tiendraient pas de pourparlers avec des élus membres d’une organisation terroriste. Pourtant, des dirigeants palestiniens que Sharon et les États-Unis embrassent aujourd’hui furent considérés naguère comme appartenant à un groupe terroriste.
Mahmoud Abbas, le président palestinien, a signé un accord avec le Hamas et le Djihad islamique pour les inciter à renoncer à la violence au profit d’un processus politique. N’est-ce pas le meilleur moyen de gagner le combat contre l’extrémisme – islamique ou autre ? Nul ne doute que l’Armée républicaine irlandaise (IRA) soit une organisation terroriste. Pourtant, elle s’engage maintenant dans le processus politique en Irlande du Nord. La stratégie américaine en Irak ne vise-t-elle pas à défaire l’insurrection par inclusion plutôt que par exclusion ?
Oui, le Hamas est une organisation terroriste, et il appelle à la destruction d’Israël. Mais le Hamas a aussi son côté civique : il aide à soulager les épreuves de la population d’une manière perçue comme plus efficace et moins corrompue que celle des autorités palestiniennes.
Israël veut qu’Abbas en finisse avec les militants armés, mais comment une faible Autorité palestinienne pourrait-elle y parvenir quand Israël, la plus grande puissance militaire du Moyen-Orient, en a été incapable ? Le Hamas représente une idéologie tout autant qu’un extrémisme terroriste et, comme on l’a vu ailleurs, les idées sont rarement éliminées par la force.
Le Hamas pourrait sans doute conquérir 40 % des suffrages. Au Moyen-Orient, celui qui prône la ligne la plus radicale se révèle souvent le vainqueur dans une période de tension. C’est ainsi que Sharon est arrivé au pouvoir, et c’est ainsi qu’il pourrait le perdre en faveur de Benyamin Netanyahou, opportuniste de droite. Les gens changent quand changent les circonstances.
Il fut un temps où la totalité du monde arabe refusait de reconnaître Israël et appelait à sa destruction, comme le Hamas le fait aujourd’hui. Pourtant, la Jordanie et l’Égypte reconnaissent maintenant l’État juif et la Ligue arabe s’est engagée, en principe, à faire de même si l’on en revient de quelque manière aux frontières de 1967.
Nul doute qu’au Hamas il en est qui ne changeront jamais d’opinion, de même que certains Israéliens s’accrocheront au rêve d’un Grand Israël incluant toute la Cisjordanie et la bande de Gaza. L’État juif, à ses débuts, fut aussi aux prises avec ses propres extrémistes et terroristes, qui se rallièrent ensuite au processus politique démocratique.
Sharon croyait jadis au Grand Israël, et son parti fut créé sur ce principe. Mais, comme il l’a dit si éloquemment devant les Nations unies, il en est venu à penser que le peuple palestinien « a lui aussi le droit à la liberté et à une existence nationale souveraine dans son propre État ». La plupart des Palestiniens, eux aussi, se sont ralliés à une solution de deux États. Il est de l’intérêt d’Israël de permettre aux Palestiniens de tenir leurs élections sans intervention d’Israël ni de n’importe qui d’autre.

* H.D.S. Greenway est un chroniqueur régulier du Boston Globe.

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