Tanger-Pékin Express
Un Tanger international, une route du commerce et de la soie… La ville de Tanger est au cœur du plus grand projet chinois du pays, la Cité Mohammed VI-Tanger Tech, qui fait déclencher chez les officiels marocains un discours digne d’un conte des « Mille et Une Nuits ».
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Nadia Lamlili
Nadia Lamlili est responsable de la zone Maghreb/Moyen-Orient sur le site de Jeune Afrique. Elle est en particulier spécialiste du Maroc.
Publié le 16 avril 2018 Lecture : 3 minutes.
Maroc : le paradoxe du Nord
A l’ouest, Tanger et sa petite sœur Tétouan, symboles d’une mondialisation heureuse. A l’est, Al Hoceima, longtemps oubliée du développement. Si toutes trois dorment désormais dans le même lit administratif, les premières finiront-elles par réveiller l’arrière-pays rifain ?
Éditorial. Sur la terrasse d’un riad en plein cœur du Grand Socco de Tanger, une jeune femme française, bohème chic, sirote son thé à la menthe. « Je vais installer mon cabinet de coaching personnel ici. Marrakech est devenue trop bling-bling, trop artificielle… Ici, c’est baba cool, mais ça bosse, c’est cosmopolite, et puis il y aura bientôt les Chinois ! »
À Tanger, cette jeune Française n’est pas la seule à se réjouir de l’arrivée prochaine des ressortissants de l’Empire du milieu.
Tanger, berceau d’un projet titanesque
Sur les hauteurs d’Aïn Dalia, à 13 km au sud de la ville, le magnat marocain Othman Benjelloun, patron de BMCE Bank of Africa, a décidé d’édifier le plus grand projet chinois du pays, la Cité Mohammed VI-Tanger Tech, une future « Shanghai marocaine » dont le copromoteur n’est autre que le groupe chinois Haite et qui nécessitera, à terme, pas moins de 10 milliards de dollars d’investissements.
Nous devenons acteur d’une initiative géopolitique plus globale, fondatrice d’un cadre de mondialisation nouveau
Ce projet titanesque – la presse marocaine a émis quelques réserves quant à sa faisabilité – sera situé à proximité des principales zones industrielles de la région, de l’usine Renault-Nissan et du port Tanger Med. Les premiers coups de pioche sont même prévus dès ce troisième trimestre, promet l’homme d’affaires à JA.
Ce dernier ajoute avec fierté que le projet devrait contribuer à faire renaître « la route de la soie » (cette initiative chinoise appelée One Belt, One Road qui vise à relier, par de nouvelles infrastructures, l’Asie, l’Europe et l’Afrique) et que cette dernière passerait par Tanger avant de rallier le reste du continent.
>>> A LIRE – Reportage : Tanger, symbole de l’avance prise par le Maroc sur la Tunisie
« Nous prenons ainsi part à un projet d’envergure planétaire aux dimensions économique, commerciale et diplomatique, et nous devenons aussi acteur d’une initiative géopolitique plus globale, fondatrice d’un cadre de mondialisation nouveau que nous espérons plus équitable et bénéfique aux nations qui y participent », fait remarquer celui dont l’histoire d’amour (et de gros sous) avec la Chine mériterait à elle seule tout un chapitre de l’histoire des relations sino-marocaines.
« Mille et Une Nuits »
Un Tanger international, une route du commerce et de la soie. Il n’en fallait pas plus pour déclencher chez les officiels marocains un storytelling digne d’un conte des Mille et Une Nuits, puisé dans une histoire jalonnée de conquêtes et d’épopées maritimes.
Au XIVe siècle, alors que le Moyen-Âge obscurcissait encore l’Europe, un explorateur tangérois nommé Abu Abdallah Ibn Battuta fut le premier Marocain à fouler la terre chinoise et aussi, de mémoire d’Arabe, à en décrire les us et coutumes. Il y est arrivé sous la dynastie Yuan, probablement en 1345, après avoir traversé l’Égypte, la péninsule Arabique, l’Iran timouride, puis l’Inde du Nord et les îles de Sumatra et de Java.
Tout est parti de Tanger, tout doit repartir de Tanger », résument les Marocains. Non sans raison. Ni hao Tanger !
Dans son livre, Arrihla (« le voyage »), celui qu’on surnomme le Marco Polo musulman décrit, avec moult détails, les habitudes de cette civilisation chinoise où « les mets chauds sont servis dans des plats fins et colorés appelés “porcelaine” » et où « la soie est si abondante qu’elle sert à habiller les religieux pauvres et les mendiants ».
Évidemment, ce n’est pas Tanger Tech qui a fait connaître ce globe-trotter. Plusieurs édifices de la ville portent son nom, et un festival, où l’on parle de voyages et de paix, lui a même été consacré. Mais au moment où le monde entier s’apprête à emprunter la route de la soie, l’aventure chinoise d’Ibn Battuta est devenue une sorte de romance que les officiels citent à souhait pour mieux positionner le Maroc quelque part entre l’Europe et l’Afrique.
« Tout est parti de Tanger, tout doit repartir de Tanger », résument les Marocains. Non sans raison. Ni hao Tanger !
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Maroc : le paradoxe du Nord
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