Le retour du FMI

Après plus d’une année de rupture, le gouvernement rétablit des relations normales avec les institutions de Bretton Woods.

Publié le 31 octobre 2005 Lecture : 3 minutes.

Voilà une décision qui était attendue avec impatience à Yaoundé. Le Fonds monétaire international (FMI) s’est prononcé, le 24 octobre, pour la relance du partenariat économique et financier avec le Cameroun. À la clé, 26,8 millions de dollars (14,5 milliards de F CFA) sur trois ans pour financer les réformes engagées et 8,2 millions supplémentaires (4,4 milliards de F CFA) en annulation de dette. Dans le jargon du FMI, le pays renoue ainsi avec la Facilité pour la réduction de la pauvreté et la croissance (FRPC) et l’initiative pour les pays pauvres très endettés (PPTE). En clair, après avoir été déclaré en août 2004 off track (« hors cadre »), le pays redevient un « bon élève » aux yeux des institutions de Bretton Woods. « C’est une satisfaction pour la population, et le chef de l’État, Paul Biya, qui a impulsé le mouvement. De gros efforts ont été faits et nous récoltons les fruits du travail accompli », fait-on valoir du côté du ministère de l’Économie et des Finances dirigé par Polycarpe Abah Abah depuis décembre 2004.
L’affaire était pourtant loin d’être gagnée. Le premier accord signé avec le FMI remonte à juin 1997. Rigueur budgétaire, baisse des dépenses publiques, réforme de la fiscalité, transparence financière, privatisations… La potion est amère, mais il faut l’avaler. En octobre 2000, le Cameroun atteint le point de décision de l’initiative PPTE, et le Club de Paris, qui regroupe les principaux bailleurs, annule dans la foulée environ 900 millions de dollars de la dette extérieure. En août 2002, changement de cap. Le chef de l’État désigne une nouvelle équipe de « gouvernement pour aller aux élections ». Dysfonctionnements ministériels, privatisations en panne, dérapages budgétaires… Le torchon brûle entre Yaoundé et Washington. Le FMI accuse même le gouvernement de lui fournir des données erronées. Le couperet tombe en août 2004, et tous les programmes en cours sont suspendus. Une fois réélu, le président Paul Biya demande à son nouveau gouvernement de « pratiquer une gestion rigoureuse des finances publiques en évitant à tout prix les dérapages budgétaires et en sécurisant les recettes de l’État ». Des signaux très clairs sont alors envoyés à la population avec, notamment, la mise en place d’un arsenal de lutte contre la corruption. Une Agence nationale d’investigation financière est créée, et un nouveau directeur, Emmanuel Etoundi Oyono, est nommé à la tête du Port autonome de Douala (PAD). La restructuration des entreprises publiques est relancée tandis que le message du nouveau ministre des Finances se veut très simple : « Nous dépenserons uniquement l’argent que nous avons. »
Après deux missions effectuées coup sur coup entre juin et août, le FMI relève avec satisfaction les progrès enregistrés grâce aux politiques économiques qui ont contribué à consolider la croissance (4 % en 2004), ralentir l’inflation et maîtriser les déficits. Il n’en précise pas moins que « les réformes structurelles doivent toutefois se poursuivre, notamment celles portant sur la gouvernance, le climat des affaires et les privatisations ». La confiance renouée, le travail doit donc se poursuivre, mais le jeu en vaut la chandelle. Si ces engagements et les promesses de réformes sont respectés, le Cameroun pourrait alors atteindre à la mi-2006 le point d’achèvement de l’initiative PPTE et bénéficier à terme d’une annulation de plus de la moitié de sa dette extérieure, estimée à 6,9 milliards de dollars (soit près de la moitié du PIB).
Premier partenaire du Cameroun, la France a d’ores et déjà fait savoir qu’elle était prête à consentir une aide annuelle avoisinant les 100 millions de dollars. « Il s’agira essentiellement d’une annulation de dette convertie en programmes de développement, mais, pour cela, il est indispensable d’atteindre le point d’achèvement », précise Paris. Pour l’instant, le montant des aides publiques françaises versées à Yaoundé est inférieur aux remboursements des prêts effectués dans l’autre sens. Pour inverser cette tendance, la date du 30 avril est considérée comme cruciale par l’Agence française de développement (AFD) puisque ce serait la première échéance d’un éventuel versement. Le Cameroun a déjà manqué le rendez-vous du G8, en juillet dernier, qui avait entériné l’annulation de la dette multilatérale de 18 pays pauvres très endettés (dont 14 africains), pour un montant global de 40 milliards de dollars. Il serait dommage de ne pas saisir cette seconde chance.

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