L’œil de Glez : avec son « Présimètre », Patrice Talon sous toutes les coutures
Au Bénin, le “Présimètre” vient de rendre son deuxième rapport annuel. Des instruments similaires de contrôle citoyen existent dans d’autres pays africains.
-
Damien Glez
Dessinateur et éditorialiste franco-burkinabè.
Publié le 9 avril 2018 Lecture : 2 minutes.
« Les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent » ? Justement, les organisations africaines de la société civile sont bien décidées à tendre l’oreille à ce qu’annoncent les candidats, et cela bien au-delà des campagnes électorales. Ainsi il ne suffirait plus de passer le cap des scrutins pour dormir sur ses lauriers électoraux, sur tel ou tel trône, rétorquant aux plus pointilleux que la realpolitik impose des entorses aux promesses. À l’heure du tout archivé, de la transparence accrue et du fact checking – la vérification quasi-instantanée des faits médiatisés – la société civile impose aux politiques un devoir continu de redevabilité.
Le nom « Présimètre », combinaison de « président » et « baromètre », est apparu en 2015, au Burkina Faso, un an après le départ précipité de Blaise Compaoré. Plutôt que d’accepter des postes, les plus motivés des activistes ont décidé de rester à la marge pour mieux observer les nouveaux dirigeants élus, d’autant plus que, même repentis, les héritiers du « compaorisme » gardaient le gouvernail.
Un outil de suivi des politiques gouvernementales a donc été initié, programme de redevabilité politique et socio-économique qui s’appuie sur le monitoring citoyen des politiques publiques et les technologies de l’information et de la communication. Élu quelques mois après le Burkinabè Roch Kaboré, le Béninois Patrice Talon a dû, lui aussi, accepter d’être jaugé par un « Présimètre ». Alors que le chef de l’État du Bénin entame sa troisième année au pouvoir, la plateforme électorale des organisations de la société civile et ses 20 experts viennent de présenter leur deuxième évaluation annuelle des 198 promesses présidentielles, classées en quatre catégories consultables sur la page web presimetre.vote229.org : « tenues », « non tenues », « enclenchées » et « non enclenchées ». À l’orée du mi-mandat, ce sont 17% des annonces électorales seulement qui ont été estimées réalisées.
Démarche citoyenne
D’autres pays d’Afrique francophone ont adopté une démarche citoyenne comparable. Au Sénégal, le site internet « Mackymetre.com » évalue l’action présidentielle depuis l’élection de Macky Sall. Il présente un rapprochement des réalisations du programme de campagne « Yoonu Yokkuté », mais aussi une notation populaire de l’action du chef de l’État. En Guinée, le site lahidi.org de l’Association des blogueurs de Guinée (Ablogui) indique si telle ou telle promesse, secteur par secteur, est « réalisée », « en cours » ou « aux oubliettes ».
À la férocité d’une jauge permanente de l’action gouvernementale, le site ajoute, dès sa page d’accueil, un compte à rebours indiquant, à la seconde près, le temps qu’il reste dans le mandat présidentiel… Le contrôle citoyen est un gage unique de démocratie vivace. Il reste à diffuser ses résultats auprès d’un public souvent désabusé, entre deux élections, et à les vulgariser auprès d’un électorat qui n’est pas toujours rationnel…
La Matinale.
Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.
Consultez notre politique de gestion des données personnelles
Les plus lus
- Sextapes et argent public : les Obiang pris dans l’ouragan Bello
- Burkina Faso : entre Ibrahim Traoré et les miniers, une guerre de tranchées à l’ho...
- Guinée : ce que l’on sait de la mystérieuse disparition de Saadou Nimaga
- Sécurité présidentielle au Cameroun : Dieudonné Evina Ndo, une ascension programmé...
- Ilham Aliyev, l’autocrate qui veut « dégager » la France d’Afrique