Femmes de la Terre fête 25 ans d’action associative au service des femmes immigrées
Éloignées de leurs enfants, victimes de discriminations ou de violences, ou à la recherche d’une réinsertion… En un quart de siècle, près de 5 000 femmes immigrées sont passées par les permanences de l’association Femmes de la Terre, qui organisera samedi un concert, à Paris, à l’occasion de son 25e anniversaire. Un combat qui doit s’amplifier, selon sa présidente, Evelyne Bourgi.
Elles sont 4 825. 4 825 femmes à être passées par l’association Femmes de la Terre depuis sa création, il y a 25 ans, en décembre 1992. « Venues en France rejoindre leur famille ou fuir la guerre, la violence, la torture, la pauvreté, elles ont laissé derrière elles leurs racines, leurs familles, leurs enfants parfois », rappelle l’association, présidée par Evelyne Bourgi. Toutes ces femmes immigrées en grande difficulté se sont tournées vers l’association afin qu’elle leur permette de mener une existence digne et de sortir de la clandestinité.
Femmes de la Terre leur propose un lieu de parole où elles peuvent s’exprimer librement sur les discriminations qu’elles subissent en tant que femmes et en tant qu’étrangères. Elle leur offre surtout une permanence juridique en droit des étrangers et des permanences d’écrivains publics et d’accès aux droits, ainsi que des opportunités en matière de formation. Au total, 4 825 femmes y ont été accueillies depuis 25 ans.
Pour célébrer son premier quart de siècle d’existence, Femmes de la Terre organise un concert de soutien à Paris, le samedi 14 avril. Evelyne Bourgi, la présidente de l’association, revient sur ces 25 années de lutte.
Jeune Afrique : Qui sont les femmes auxquelles s’adresse votre association ?
Evelyne Bourgi : Femmes de la Terre a été créée en 1992 à la demande de femmes immigrées, à une époque où apparaissaient des associations œuvrant pour les sans-papiers. Elles étaient demandeuses de lieux où se retrouver entre elles, afin de pouvoir évoquer leurs conditions de vie et les problèmes qu’elles rencontraient.
Elles souhaitaient également que ces groupes de parole puissent se dérouler durant la journée et non le soir, car elles sont alors occupées par leurs enfants et que leur mari refuse régulièrement qu’elles sortent en soirée. C’est pour répondre à ces demandes que Femmes de la Terre a vu le jour. Personnellement, j’ai commencé à y travailler en 1994.
Qu’est-ce qui a motivé votre engagement ?
J’ai des liens anciens avec l’Afrique. J’ai vécu au Sénégal et mon mari [l’universitaire Albert Bourgi, ndlr] compte beaucoup d’amis sur le continent, donc mon entourage est largement africain. À l’époque, j’ai estimé que j’avais beaucoup reçu dans ma vie et j’avais envie de donner un peu. C’est un travail très dur, car on est confronté à des situations très difficiles. Mais quand on parvient à un résultat positif, on oublie ces obstacles.
La plupart des femmes que nous prenons en charge viennent de Côte d’Ivoire, du Mali, du Sénégal, du Cameroun et du Maghreb.
Certaines images restent gravées dans ma mémoire, comme cette femme qui venait d’obtenir son titre de séjour et qui s’est mise à pleurer d’émotion devant nous en le brandissant. Je me souviens aussi de cette Camerounaise qui ne parvenait pas à faire venir auprès d’elle ses enfants, restés au pays. Au retour d’un voyage où elle était partie les voir, elle nous a rapporté une statuette en bois représentant une femme triste, avec un enfant à l’écart. Et lorsqu’elle a enfin réussi à obtenir des Visas pour les faire venir en France, elle nous a offert une autre statuette, avec une mère entourée de ses enfant. C’est ce qui nous donne envie de continuer et d’avancer.
Au fil des années, avez-vous constaté des changements quant aux besoins de ces femmes en souffrance ?
Au départ, nous leur proposions seulement une permanence juridique. Aujourd’hui, nous assurons une permanence téléphonique le lundi après-midi, afin d’orienter nos interlocutrices, que nous recevons en rendez-vous le jeudi matin. À l’issue de la rencontre, nous discutons de chaque cas afin de déterminer quel soutien leur apporter.
Plusieurs types de situation les conduisent à nous consulter. Certaines n’ont pas de papiers et vivent dans la clandestinité. D’autres sont en situation régulière mais subissent des violences conjugales, ou elles craignent de perdre leur titre de séjour si elles quittent leur mari. Certaines mères cherchent à faire venir leurs enfants au titre du regroupement familial mais n’arrivent pas à obtenir de Visas…
L’association les épaule dans ces démarches. Nous préparons leur dossier pour la préfecture, et lorsque leur demande est refusée sans motif valable, nous réclamons l’application des lois en vigueur, quitte, parfois, à les accompagner à la préfecture. Nous tenons également des permanences d’écrivains publics et d’accès aux droits, le mardi après-midi, ouvertes aux femmes comme aux hommes. Nous les aidons dans leurs démarches administratives, qu’il s’agisse de remplir des documents ou même des chèques.
Votre action est-elle soutenue par les pouvoirs publics ?
Nous recevons des subventions de la ville de Paris, de la région Île-de-France ou d’organisations non gouvernementales comme le CCFD-Terre Solidaire… Mais nos financements diminuent, contrairement à nos besoins.
>>> A LIRE – « Immigration maîtrisée » : combien pèsent les sans-papiers africains dans l’économie française ?
Nous faisons partie d’un réseau informel d’associations, ADFEM (Actions et droits pour les femmes exilées et migrantes), qui a pour but de promouvoir le droit d’asile pour les femmes victimes de violences dans leur pays d’origine, ainsi que le droit au séjour de celles qui sont victimes de violences en France. Ce réseau commençant à être reconnu, nous sommes régulièrement consultés par l’Assemblée nationale. C’est ainsi que nous avons été récemment amenés à exprimer notre position devant les députés sur le projet de loi « asile et immigration ».
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