Huile d’olive biologique contaminée : la Tunisie contre-attaque

Branle-bas de combat des acteurs tunisiens après un article du magazine français « 60 Millions de consommateurs » publié en avril, qui révèle la présence d’un perturbateur endocrinien dans des bouteilles d’huile d’olive biologique produite en Tunisie.

L’huile d’olive représente la moitié des exportations agroalimentaires tunisiennes © Renaud Van Der Meeren pour J.A.

L’huile d’olive représente la moitié des exportations agroalimentaires tunisiennes © Renaud Van Der Meeren pour J.A.

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Publié le 11 avril 2018 Lecture : 3 minutes.

Contactée par Jeune Afrique, Samia Maamer, directrice générale de l’agriculture biologique au ministère de l’Agriculture, attaque d’emblée : « L’étude comparative de 60 Millions de consommateurs porte sur des produits à la vente répondant déjà aux normes biologiques de la législation européenne. Utiliser le terme de « produits pollués » est donc extravagant. »

La responsable précise d’ailleurs que ce ne sont pas les huiles d’olive qui sont incriminées – aucune trace de pesticide n’a été retrouvée – mais leur contenant. Le phtalate, composé chimique plastifiant qui favoriserait la malformation fœtale et l’infertilité, pointé du doigt par l’étude, aurait migré des bouteilles aux huiles d’olive. Or, l’article n’indique pas si le conditionnement s’est effectué en Tunisie ou non.

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Les quatre huiles d’olive incriminées proviennent de Tunisie mais sont vendues sous des marques étrangères : Bio Planète, L’olivier Heureux, Crudolio et Marque Repère Bio Village E.Leclerc. « Nous avons demandé les analyses complètes de l’étude car là, nous n’avons que des résultats bruts qui sont sujets à caution », ajoute Samia Maamer.

Aussitôt la parution du magazine, le ministère de l’Agriculture s’est fendu d’un communiqué expliquant qu’il n’existe aucune réglementation, ni européenne ni mondiale, sur la quantité maximale autorisée de phtalate. Le texte cite une association allemande qui recommande un seuil de 1 mg/kg, précisant que dans les échantillons analysés, le taux ne dépassait jamais 0,7 mg/kg. Du côté du Cepex, organisme en charge de la promotion des exportations, le ton est tout aussi offensif : « L’huile d’olive tunisienne a été élue produit de l’année au Canada et a remporté plusieurs prix au concours oléicole internationale de Los Angeles », assène le service communication.

Sauver le soldat « huile d’olive biologique »

Pour les autorités compétentes, il s’agit de sauver le soldat « huile d’olive biologique ». Lors de la saison 2016-2017, les exportations bio ont atteint 28 400 tonnes, en hausse de 6 % par rapport à l’année précédente pour une valeur de 310 millions de dinars (+28 %). En 2018, la Tunisie pourrait écouler 180 000 tonnes d’huile d’olive selon le conseil oléicole international, se plaçant en troisième position derrière l’Espagne et l’Italie. Surtout, le pays du sud de la Méditerranée a décidé depuis plusieurs années de laisser de côté le vrac pour développer le secteur de l’huile d’olive biologique conditionnée, génératrice de davantage de valeur ajoutée.

Des conclusions « hâtives », selon le directeur du développement de la société CHO

Directeur du développement de la société CHO – qui n’est pas concernée par l’étude de 60 millions de consommateurs -, Khalil Kammoun juge les conclusions du magazine français « hâtives » car aucune norme n’a été enfreinte. S’il assure que la mauvaise publicité faite à l’huile d’olive biologique tunisienne n’a eu aucune incidence commerciale sur sa société, le dirigeant prend le sujet suffisamment au sérieux pour balayer le moindre doute : « Nous avons ciblé ce problème de phtalate depuis des années au sein de la société. Nous avons adopté les mêmes méthodes que les laboratoires européens certifiés pour faire disparaître toute trace de ce produit dans nos huiles. »

J’ai peur que des sociétés, qui entrent sur ce marché porteur, ne fassent du bricolage pénalisant les vrais producteurs patriotes », s’inquiète le président de l’association Tunisie Écologie

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Un suivi strict que des associations environnementales souhaiteraient voir imposé à l’ensemble du secteur. « Je ne veux pas me prononcer sur l’étude en elle-même, on en parle à tort et à travers. Mais il faudrait que les autorités se penchent sur toutes les étapes de la certification bio, en amont comme en aval. Et que le contrôle soit régulier. J’ai peur que des sociétés, qui entrent sur ce marché porteur, ne fassent du bricolage pénalisant les vrais producteurs patriotes », s’inquiète Abdelmajid Dabbar, président de l’association Tunisie Écologie.

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