Tunisie : Afek Tounes subit les contrecoups de sa sortie du gouvernement

Les démissions en cascade depuis plusieurs semaines ont enterré le bloc parlementaire de la formation centriste. Si certains évoquent des départs liés à un autoritarisme de la direction, il semble surtout qu’Afek Tounes paie le prix de son récent revirement politique.

Yassine Brahim est le président de la jeune formation politique Afek Tounes. © Ons Abid pour ja

Yassine Brahim est le président de la jeune formation politique Afek Tounes. © Ons Abid pour ja

CRETOIS Jules

Publié le 10 avril 2018 Lecture : 3 minutes.

Les départs de la formation libérale présidée par Yassin Brahim, Afek Tounes, vont bon train. Le 6 avril, c’est Kais Allani, membre du bureau politique, qui annonçait son départ. Quelques jours auparavant, le député Ali Bennour claquait aussi la porte, mettant en danger l’existence même du groupe parlementaire d’un parti arrivé en cinquième position lors des législatives de 2014, trois ans après sa création.

Il faut en effet au moins sept députés pour constituer un bloc et le départ de Bennour porte à six le nombre d’élus du parti après les départs, au cours du mois de mars, de deux députés, Hager Ben Cheikh Ahmed et Riadh Jaidane. On trouve pourtant encore de nombreux militants optimistes dans les rangs de la formation, qui se disent certains que leur équipe peut encore reformer un groupe à l’Assemblée des représentants du peuple (ARP) en s’appuyant sur un député proche de leur formation.

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Des militants inactifs depuis décembre

Dans la presse tunisienne, ces départs sont parfois imputés à un hypothétique autoritarisme du président d’Afek Tounes, Yassin Brahim. « Notre président a un fort caractère et tient à aller de l’avant. Mais il est à l’écoute des militants et il est respectueux de la vie démocratique interne du parti », nous assure une source au sein d’Afek Tounes.

Zeineb Turki, membre du bureau politique trouve une autre explication à ces départs : « Nous avons eu des décisions compliquées à prendre ces derniers mois. En quittant le gouvernement puis l’accord de Carthage, nous savions qu’il y aurait des remous. Quand on réajuste, c’est logique qu’on assiste à des départs. »

Formellement, ces choix décisifs ont été adoptés démocratiquement : c’est à pas loin de 70% que les membres du conseil national ont décidé de quitter le gouvernement et un vote a aussi offert aux partisans du retrait de l’accord une confortable majorité lors d’un vote au bureau politique du parti.

La députée démissionnaire Hager Ben Cheikh Ahmed avait ainsi déjà gelé son adhésion dès décembre 2017, mécontente de cette décision. Et Kais Allani n’était plus actif depuis le même mois, s’en tenant à une ligne favorable à la participation gouvernementale.

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Des bases moins disciplinées

« Je peux vous assurer que tout cela n’est pas dû à la personne de Yassin Brahim », martèle, en off, un cadre du parti. « Il n’était pas le plus chaud pour entrer au gouvernement, et il s’est en partie laissé convaincre par des militants. Et au moment de la sortie de l’accord, il voulait prendre le temps, y aller pas à pas. Ce sont des militants du bureau politique qui ont accéléré la démarche, pas lui. »

Lors de l’adoption de la loi de finances pour l’année 2018, ce sont aussi les bases libérales du parti, et les militants de la première heure, farouchement opposées au texte, qui se sont agitées pour mettre la pression sur leurs dirigeants et leur demander de se montrer intransigeants.

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À demi-mots, des militants concèdent encore que le parti a pu drainer des « ambitieux », pour qui l’entrée du mouvement au sein d’une l’Union civile aux côtés de dix autres formations politiques, en janvier, le retrait du gouvernement et d’autres choix politiques ont pu signifier un attrait moindre d’Afek Tounes.

Turki reconnaît aussi que le parti est plus jeune que d’autres formations politiques, et ses adhérents sont parfois moins disciplinés que ceux qui ont de fortes et vieilles traditions de militantisme, comme Ennahda ou le Parti des travailleurs. « Mais cette épreuve nous permet de clarifier notre ligne, d’affiner nos positions et de les réaffirmer. En restant au gouvernement, nous aurions peut-être évité des départs, mais nos militants les plus décidés auraient été frustrés et nous aurions perdus nos électeurs en nous alignant sur des positions qui ne sont pas les nôtres », assure-t-elle.  

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