Cameroun : la situation humanitaire en zone anglophone inquiète l’ONU et des ONG
L’ONU et des ONG tirent la sonnette d’alarme sur la situation humanitaire dans les régions anglophones du Cameroun, touchées par un conflit de basse intensité entre indépendantistes et autorités gouvernementales, tandis que les réfugiés affluent au Nigeria voisin.
Pour Allegra Maria Del Pilar Baiocchi, coordinateur humanitaire de l’ONU pour le Cameroun, il y a de « nombreux besoins humanitaires » pour les cinq millions d’habitants des régions anglophones. La crise a « un impact sur les civils qui va au-delà des violences : un impact sur la santé, sur l’emploi », explique-t-elle.
En réaction au fort déploiement de troupes opéré par Yaoundé, la crise socio-politique qui touche les régions camerounaises du Nord-Ouest et du Sud-Ouest s’est peu à peu muée en conflit armé de basse intensité marquée par des attaques isolées contre les symboles de l’État.
« Comme dans tout scénario de conflit armé, la population civile paie les conséquences de la violence, de l’insécurité et de la peur », indique Alberto Jodra Marcos, chef de mission de l’ONG Médecins Sans Frontières-Suisse au Cameroun.
L’Organisation des Nations unies (ONU) indique qu’il y aurait « des dizaines de milliers » de déplacés internes dans les régions anglophones. 40 000 déplacés internes dans les arrondissements de Mamfe et Kumba (région du Sud-Ouest) figurent parmi les plus touchés par le conflit, d’après l’ONU.
Accès « impossible » dans des régions
« L’accès est impossible en zones anglophones, on ne sait pas ce qu’il s’y passe », déplore une source humanitaire, pour qui il est « impossible » de connaître le nombre exact de civils déplacés.
« Il y a beaucoup de questions sur l’accès », reconnait Allegra Maria Del Pilar Baiocchi, les autorités camerounaises limitant les possibilités de déplacement dans les régions soumises à des couvre-feux pour les civils.
Nous sommes en situation de guerre. Nous ne pouvons pas envoyer des collaborateurs partout
« C’est compliqué pour les organisations comme la nôtre de faire des missions de terrain. Nous sommes en situation de guerre. Nous ne pouvons pas envoyer des collaborateurs partout », souligne Me Agbor Bala Nkongho, directeur de l’ONG Centre pour les droits de l’homme et la démocratie en Afrique.
De nombreux réfugiés au Nigeria
Selon l’agence nigériane locale de gestion des urgences (Sema), 34 000 Camerounais ont trouvé refuge dans l’État de Cross River, de l’autre côté de la frontière.
La plupart des réfugiés camerounais au Nigeria sont « pris en charge par les communautés locales », détaille John Inaku, directeur du Sema, même si un premier camp de réfugiés formel financé par le gouvernement de Cross River et soutenu par l’ONU a été annoncé.
Pour Peter Kechi, chef du village de Bashu, à 5 km de la frontière avec le Cameroun, où la population est passée de 1 500 personnes à plus de 4 000 en quelques mois. Les réfugiés franchissent la frontière à pied, dans des zones montagneuses et des forêt denses très peu accessibles, ce qui rend leur enregistrement difficile.
La prochaine étape est de trouver comment répondre aux besoins
L’ONU indique que « les arrivées continuent », ayant enregistré 20 485 Camerounais au Nigeria. « On vient de rentrer d’une mission d’évaluation en régions anglophones (du Cameroun), on sait plus ou moins où sont les besoins, on sait quels sont les besoins, la prochaine étape est [de trouver] comment y répondre », explique Allegra Maria Del Pilar Baiocchi.
Dans la zone anglophone, MSF a d’abord fait de la formation, « sur la prise en charge des blessés et des traumatismes », puis « des dons de médicaments et de matériel ». Mais « la fuite du personnel et la fermeture de certains centres de santé laissent de nombreuses communautés dans une situation précaire », détaille Alberto Jodra Marcos.
Si les séparatistes ont incendié de nombreuses écoles depuis le début de la crise, l’armée camerounaise est régulièrement pointée du doigt par des ONG et des témoignages dans la presse pour des exactions sur les populations civiles. Il y a « de la désinformation de la part de certaines ONG », se défend à l’AFP une source sécuritaire, tandis que les autorités ont démenti en bloc les accusations d’exactions.
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