Financement halal
Fondée en 1975, la Banque islamique de développement conjugue charia et rentabilité. Et axe son activité sur l’aide aux pays pauvres.
« La Banque islamique de développement [BID] est l’une des rares institutions financières internationales dont les capitaux ne proviennent pas des pays du Nord », a rappelé le docteur Amadou Boubacar Cissé, actuel vice-président de l’institution chargé des opérations, lors de l’atelier régional qui s’est tenu à Ouagadougou, les 1er et 2 octobre. Selon lui, cela permet « d’éviter les interférences dans les affaires politiques des pays membres, et de garder des marges de manoeuvre plus importantes dans la mise en oeuvre des projets ». Par exemple, le Mali et le Niger se sont vu octroyer, en septembre, plus de 150 millions de dollars de prêts pour boucler le financement des barrages de Taoussa et Kandadji sur le fleuve Niger, sans que cela ne soit lié à d’autre condition que la viabilité du projet.
Fondée en 1975 sous l’impulsion de l’Arabie saoudite, son principal bailleur de fonds, la BID totalise cinquante-six actionnaires, tous membres de l’Organisation de la conférence islamique (OCI), dont vingt-sept pays africains. Basée à Djeddah, elle emploie plus de 880 personnes et concentre ses activités dans trois régions du monde, toutes dotées de bureaux : Kuala Lumpur pour l’Asie du Sud-Est, Almaty (Kazakhstan) pour l’Asie centrale et Rabat pour l’Afrique, qui devrait prochainement compter un bureau subsaharien. Mais « la BID est avant tout une institution de développement », insiste le Dr Cissé, d’où l’octroi de financements à des pays non membres de l’OCI, mais où vit une communauté musulmane.
Outre la Banque, le groupe de la BID est constitué d’une Société islamique d’assurance des investissements et des crédits à l’exportation, d’une Société islamique pour le développement du secteur privé et d’un Institut islamique de recherche et formation. Avec un capital de 22 milliards de dollars, dont 12 appelés et seulement 3 libérés, la BID est loin derrière la Banque africaine de développement (BAD) et la Banque mondiale, dont le capital libéré atteint respectivement 28 milliards et 178 milliards de dollars. L’originalité de l’institution réside dans le fait que ses États membres sont exclusivement des pays en développement et que ses activités de financement respectent les principes de la loi islamique : interdiction de l’intérêt sur toutes les transactions financières, participation aux pertes éventuelles, et obligation de loyauté et d’honnêteté. Pour combiner charia et rentabilité, la Banque prélève des charges administratives, différentes de l’intérêt, car elles représentent les dépenses réelles liées au projet, avec un plafond de 2,5 % annuel sur le montant du prêt. Jouissant d’une grande crédibilité sur le plan international – en 2005, l’agence de notation Standard & Poor’s lui attribue la note AAA -, la BID cultive sa spécificité, puisque, contrairement à ses homologues, elle finance aussi les opérations d’import/export. Une société de commerce international devrait voir le jour courant 2006.
Quelle vision de l’avenir défendre à l’horizon 2020 ? Telle était la thématique de l’atelier de Ouagadougou. Consciente des bouleversements de l’environnement international et des challenges qu’ils impliquent, la Banque souhaite redéfinir sa mission pour mieux répondre à ces nouveaux défis. Inspiré par Mahathir Mohamad, le charismatique ancien Premier ministre malaisien, et le Saoudien Ahmad Mohamed Ali al-Madani, président de l’institution depuis sa création, son nouveau plan d’action, baptisé Vision 2020, a ainsi pour objet de renforcer son rôle en matière de développement en adoptant une approche à plus long terme. Ce programme devrait être révélé au début de 2006. Avec la mise en place prochaine d’un mécanisme permettant de compenser la flambée du baril dans les pays non producteurs et le lancement de nouveaux produits financiers, l’organisation trentenaire continue d’affirmer sa particularité : allier solidarité islamique et compétitivité.
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