Bastia entre deux rives

Tourné vers la création des pays de la Mare Nostrum, le festival Arte Mare se veut multiculturel. Promesses tenues ?

Publié le 31 octobre 2005 Lecture : 2 minutes.

Cinéma, exposition, livres, concerts… Arte Mare, ex-Festival du film des cultures méditerranéennes, qui fête ses vingt ans cette année, affichait du 15 au 24 octobre 2005 la carte de la multidisciplinarité. Mais à regarder le menu de près, c’est-à-dire une fois sur place à Bastia (Corse), on se rend rapidement compte que, hormis le septième art, les autres disciplines sont réduites à la portion congrue. La programmation cinématographique, tout en consacrant un panorama aux films venant de Grèce (pays hôte de cette édition), n’en néglige pas moins ceux des rives sud de la méditerranée.
Citons d’abord Fratricide, le film lauréat du Grand Prix Arte Mare-Médiavision. Ce long-métrage turc signé Yilmaz Arslan évoque le parcours dramatique d’un jeune Kurde qui s’exile en Allemagne. C’est l’immigration encore, mais côté femmes et du point de vue de celles qui restent dans un village au milieu de nulle part, que thématise L’Enfant endormi de la belgo-marocaine Yasmine Kassari. Et c’est aussi loin des villes et dans les sentiers perdus des montages de l’Atlas (Maroc) que nous entraîne My Beautiful Peugeot d’Éric Bergel.
Les grands espaces sont également pris pour cadre dans Zaïna, cavalière de l’Atlas, de Bourlem Guerdjou, programmé en clôture. Mais aussi pittoresques soient ces paysages, on aimerait aussi que les programmateurs nous donnent à voir sur pellicule les villes arabes, leurs habitants et leurs problématiques. Mokhtar Ladjimi nous promène dans les dédales de Tunis avec Noce d’été, mais ses personnages caricaturaux agacent. Heureusement, il y a A Perfect Day du tandem libanais Joana Hadjithomas et Khalil Joreige, dont la caméra suit Malek, un jeune Beyrouthin, qui porte encore malgré lui les stigmates de la guerre civile.
C’est de conflit encore qu’il s’agit dans le burlesque Kilomètre Zéro du Kurde Irakien Hiner Saleem. Et c’est l’occupation israélienne et les kamikazes qu’elle enfante qui sont au coeur de Paradise Now, du palestinien Hany Abu-Assad. On reste au Proche-Orient et dans un film néanmoins porteur d’un message de paix avec Free Zone, de l’Israélien Amos Gitaï. Mais le virulent documentaire d’Avi Moghrabi, sorte de Michael Moore israélien, Pour un seul de mes deux yeux, produit un effet choc sur le spectateur et ne laisse pas la place au plus mince espoir. Même sensation d’asphyxie dans La Petite Jérusalem de Karine Albou – tourné à Sarcelles, en banlieue parisienne – qui met en scène les tiraillements de Laura, étudiante en philo et élevée dans la plus stricte tradition juive. Et pour terminer, évoquons le joyeux Il était une fois dans l’oued, de Djamel Bensalah, un « film de mixité », dixit Michèle Corroti, la déléguée générale du Festival.
Dommage que cette mixité-là ne se reflète pas parmi le public d’Arte Mare ou encore les membres du jury, dont aucun ne porte de nom à consonance sud-méditerranéenne. Quand on sait les tensions entre les Corses et l’importante communauté d’origine maghrébine établie sur l’île de Beauté, l’on eut espéré mieux d’un festival qui a pour vocation d’« aimer » ses « voisins méditerranéens, les plus proches comme les plus lointains ».

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