Le courage paie
Les analystes de Société générale prédisent une hausse de la croissance africaine en 2018. Mais la situation économique des pays est très disparate sur le continent, analyse Alain Faujas, pour qui les réformes les plus rapides seront les moins douloureuses.
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Alain Faujas
Alain Faujas est spécialisé en macro-économie.
Publié le 24 avril 2018 Lecture : 3 minutes.
Tribune. L’art si aléatoire de la prévision est encore plus difficile par les temps qui courent, avec un Donald Trump semant la pagaille sur les marchés par ses foucades. Les escarmouches qu’il a déclenchées sur le front des échanges avec la Chine pourraient bien dégénérer en guerre commerciale et nuire à la croissance mondiale. Et nul ne sait où cela finirait en cas d’escalade…
Mais, pour l’instant, ne boudons pas notre plaisir de voir, ainsi que le groupe Société générale le prédit, la croissance africaine se poursuivre dans le sillage du rebond amorcé en 2017. Au début d’avril, ses experts s’attendaient à 4 % de mieux en 2018 par rapport à l’an dernier. Une conjoncture internationale plus favorable est un heureux présage, et de meilleures conditions climatiques dopent un secteur agricole qui assure la moitié des emplois du continent et, en moyenne, 20 % de son PIB.
Dette publique grimpante
Le bémol à mettre à ces bonnes nouvelles est démographique. La croissance de la population africaine, dont certains se gargarisent, est aussi un lourd handicap pour le présent, car elle réduit à peu de chose le surcroît de richesse à se partager entre beaucoup plus de têtes. En 2018 et 2019, le PIB par habitant devrait progresser de moins de 1 %. Pas de quoi faire reculer significativement la pauvreté.
Certes, les déficits budgétaires et commerciaux devraient continuer de se résorber, mais lentement. Reste le point noir d’une dette publique qui ne cesse de grimper et de peser sur les capacités des États. « Trente pays d’Afrique affichent un niveau de dette publique supérieur à 50 % de leur PIB, contre 15 % seulement en 2013 », s’inquiètent les analystes de la Société générale.
La cause ? D’abord, la chute des cours des matières premières, qui, depuis 2014, a amputé les recettes des pays exportateurs, mais aussi la réaction de nombreux gouvernements qui ont cherché à corriger l’effet négatif de cet appauvrissement par une relance budgétaire. Moins de recettes, plus de dépenses : l’agrandissement du trou était inévitable.
Ces tendances générales masquent de fortes disparités entre pays, et il est instructif d’en analyser les causes. En Afrique subsaharienne, c’est l’addiction aux hydrocarbures qui fait la différence. Les pays exportateurs de pétrole ne profiteront guère de la reprise malgré une meilleure tenue du prix de l’or noir. Ils sont en général en train de tailler dans leurs budgets pour éviter la catastrophe, et cela nuit à leur dynamisme. C’est le cas de l’Angola et des pays d’Afrique centrale, tels le Gabon, la Guinée équatoriale et le Tchad.
Situations sociales potentiellement explosives
En fait, ce sont les pays dont l’économie est diversifiée, comme le Sénégal, la Côte d’Ivoire, le Ghana, le Kenya ou l’Éthiopie, qui connaîtront des taux de croissance supérieurs à 5 %, capables d’améliorer sensiblement les conditions de vie de leurs populations. Premier enseignement tant de fois seriné, de conférences internationales en tables rondes : ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier et ne pas céder à la facilité de gains mirobolants, mais éphémères.
En Afrique du Nord, où les économies sont plus diversifiées, la problématique est différente. Les pays qui verront leur croissance s’accélérer sont ceux dont les gouvernements sont assez forts pour engager des réformes macroéconomiques. L’Égypte devrait bénéficier de la réduction de ses subventions à l’énergie ; le Maroc tirera parti de la libéralisation partielle de son régime de change, selon les analystes de la Société générale.
En revanche, « les perspectives en Tunisie et en Algérie sont plus incertaines », soulignent-ils. En effet, ces deux pays devraient tailler dans leurs déficits pour accélérer les investissements et faire repartir la croissance, « mais la capacité des deux gouvernements à les réaliser est limitée par des situations sociales fragiles » et potentiellement explosives. Second enseignement : plus vite est faite une réforme, moins elle est douloureuse.
Le courage paie, mais la pusillanimité se paie cher.
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