Zones sous haute surveillance

Publié le 1 octobre 2007 Lecture : 6 minutes.

Certaines régions, plus que d’autres, suscitent l’intérêt des États-Unis. L’attention que porte Washington à tel ou tel pays est fonction de son influence – réelle ou potentielle – sur la sécurité de l’union. Le golfe de Guinée figure donc en bonne place des préoccupations américaines, puisqu’il contribue à son approvisionnement en hydrocarbures. Mais dans le cadre de la guerre déclarée au terrorisme international, d’autres zones sont sous constante surveillance américaine. Il s’agit du Soudan et du Sahara, refuge des combattants maghrébins d’Al-Qaïda, mais aussi de la Corne de l’Afrique, où les États-Unis disposent de leur seule base déclarée en terre africaine.

Golfe de Guinée

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L’objectif est clair : d’ici à 2015, la part de l’Afrique dans les importations américaines de pétrole va atteindre 25 %, contre moins de 20 % dix ans plus tôt. Et selon le secrétariat au Commerce, la part du pétrole d’origine subsaharienne dans les importations américaines est aujourd’hui presque équivalente à celle en provenance du Moyen-Orient.
Il est vrai que, au cours de l’année écoulée, la production cumulée du Nigeria, du Cameroun, du Tchad, de la Guinée équatoriale, du Gabon, du Congo et de l’Angola a fortement augmenté : elle représente désormais plus de la moitié de la production du continent. Et celle-ci devrait encore s’accroître dans les années à venir, compte tenu de l’entrée prochaine de São Tomé dans le club très fermé des pays producteurs d’or noir. Autant dire que les pays riverains du golfe de Guinée sont considérés comme des partenaires stratégiques par la Maison Blanche. De quoi justifier une attention toute particulière sur cette zone très sensible. C’est pourquoi la marine américaine a procédé, en janvier 2007, à l’installation de radars dans l’espace maritime santoméen. Un système de surveillance d’un coût de 18 millions de dollars, dont le rayon d’action couvrira l’Afrique centrale en général et le golfe de Guinée en particulier. Selon Jendayi Frazer, secrétaire d’État déléguée aux Affaires africaines, ce poste d’observation privilégié vise à lutter contre toutes les formes de criminalité : la pêche clandestine, qui représente un manque à gagner annuel de 1 milliard de dollars pour les pays riverains ; les actes de piraterie, de plus en plus fréquents dans ces eaux qui restent un point de passage important pour le trafic international de la cocaïne ; sans oublier les violences dans le Delta du Niger, qui ont fait plus de 1 000 morts depuis le début de la décennie et provoquent régulièrement d’importantes ruptures d’approvisionnement en hydrocarbures. Reste que la préoccupation numéro un de Washington demeure focalisée sur l’équilibre géopolitique de la zone et sur la stabilité des pays producteurs de brut.
Dans cette optique, certains s’interrogent sur les intentions véritables de Washington à São Tomé. Le programme américain d’installation d’une station radar, prévu pour durer trois ans, est-il annonciateur d’une implantation militaire américaine durable dans l’archipel ? Washington continue de nier tout projet en ce sens. En revanche, la coopération américaine en matière de sécurité se renforce dans les eaux ouest-africaines. En juin dernier, l’US Navy a envoyé en mission pour six mois un bâtiment militaire le long des côtes du golfe de Guinée. Ce navire sert de base de formation pour des militaires africains. Sur sa feuille de route figurent notamment des escales au Sénégal, au Liberia, au Ghana, à São Tomé e Príncipe, au Cameroun, au Gabon et en Angola. Cette mission vise à renforcer les capacités de surveillance des pays riverains.

Sahara-Sahel

L’intérêt des États-Unis pour cette vaste étendue désertique a débuté avec la guerre contre le terrorisme consécutive aux attaques du 11 septembre 2001. Chassés des montagnes afghanes de Tora Bora, les militants d’Al-Qaïda étaient en quête d’une terre d’asile adaptée à leurs activités : accès difficile, frontières poreuses, échappant au contrôle des armées gouvernementales et jouissant d’une densité humaine des plus modestes. Les djihadistes algériens du Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC) ont été chargés, en 2000, par Oussama Ben Laden d’être ses représentants dans cette région. Ils en ont fait leur zone 9, selon leur « découpage territorial ». Première implantation : le Nord-Mali, d’où ils contrôlent la route de tous les trafics. Au Niger et au Tchad, ils rencontrent plus de difficultés, mais le plus souvent les djihadistes y disposent de plus de moyens (transport, communication et localisation par satellite, voire armement) que les armées gouvernementales. En attendant de disposer d’une base dans la région, les Américains ont lancé une politique d’encadrement des forces gouvernementales. En 2003, l’initiative Pan Sahel, un programme de formation accélérée des armées subsahariennes (coût : 100 millions de dollars), a été lancée. En 2005, l’initiative, désormais baptisée Fintlock, a été étendue à trois pays maghrébins (Algérie, Maroc et Tunisie). Son financement a également été revu à la hausse (500 millions de dollars) avec un rythme de manuvre militaire annuel.

Corne de l’Afrique

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La position géostratégique de Djibouti a provoqué l’intérêt des militaires occidentaux, au lendemain du 11 Septembre. Auparavant, ce pays désertique n’abritait qu’une base française, fruit d’un accord de coopération militaire entre les deux États, au lendemain de l’indépendance du pays, en 1977. Après l’intrusion durable d’Oussama Ben Laden sur la scène internationale, Djibouti est devenu l’objet de toutes les convoitises. Militaires allemands, néerlandais, espagnols, italiens ou belges se bousculaient pour disposer d’un espace dans ce pays qui contrôle l’accès maritime au détroit de Bab el-Mandeb. Véritable verrou du canal de Suez, c’est par là que transitent les super-tankers acheminant le pétrole venant du golfe Persique à destination des raffineries du Vieux Continent. Mais les armées européennes sont coiffées au poteau par le Pentagone. Pour 30 millions de dollars par an, les Américains louent depuis septembre 2002 le camp Lemonnier, où ils ont installé près de 2 000 hommes, un poste de commandement et une task force chargée de contrôler le trafic maritime de la zone. Objectif : couper les voies d’accès vers la Somalie, pays sans État ni gouvernement, considéré comme la tête de pont d’Al-Qaïda en Afrique orientale. Dans cette région du continent, les États-Unis peuvent compter sur deux alliés inconditionnels : l’Éthiopie et le Kenya. La première a dépêché en décembre 2006 un corps expéditionnaire en Somalie pour y déloger les milices des Tribunaux islamiques, soupçonnés de sympathies envers Al-Qaïda. Quant au second, ses services de renseignement collaborent étroitement avec les limiers de la CIA.

Darfour

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Le Soudan a toujours constitué un centre d’intérêt majeur pour Washington. C’est le deuxième pays africain, après la Libye en 1986, à avoir subi un bombardement américain. C’était en 1998, au lendemain des attentats à l’explosif contre les ambassades américaines à Nairobi et à Dar es-Salaam. Khartoum a été la cible de deux missiles de croisière lancés depuis un porte-avions croisant dans l’océan Indien.
Le Soudan n’a jamais trouvé grâce auprès des diplomates américains. Dès l’indépendance du pays, en 1956, son gouvernement lance une offensive contre les populations du Sud, à majorité chrétienne et animiste. En 1989, l’armée renverse le Premier ministre Sadek el-Mahdi, originaire du Darfour, et se lie avec les islamistes de Hassan Tourabi. Khartoum devient le carrefour des djihadistes de la planète, soutient l’insurrection islamiste en Algérie, devient un allié de la République islamique d’Iran et, circonstance aggravante, accorde l’asile au milliardaire Oussama Ben Laden, qui vient d’être déchu de sa nationalité saoudienne. Classé parmi les États soutenant le terrorisme international, le Soudan est dans le collimateur de Washington. En quête de respectabilité, le général Omar el-Béchir signe en janvier 2005 un accord de paix avec les rebelles de John Garang, soutenus par Washington. Mais une crise éclate au Darfour, dans l’ouest du pays, où vivent plusieurs communautés soudanaises entrées en conflit. L’envoi de Casques bleus au Soudan, une idée fortement rejetée par el-Béchir, devient une idée fixe pour Washington. Compromis : ce déploiement ne se fera pas sous la seule bannière de l’ONU. Cette force hybride sera également composée de militaires africains appuyés par des moyens logistiques occidentaux et, sans doute, quelques soldats américains.

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