Bombardement en Syrie : le couac de l’ambassade britannique à Alger
Une simple publication Facebook de l’ambassade britannique en Algérie a agacé des internautes algériens. Prétendant mettre fin à une « incompréhension », elle a en fait révélé une forme de condescendance.
Le « post » britannique partagé sur Facebook ce dimanche 15 avril par le compte de l’ambassade en Algérie n’a pas été du goût de tous les internautes algériens. « Il y a eu une incompréhension de la presse algérienne au sujet des raisons qui ont poussé le Royaume-Uni à mener une opération militaire… », écrit l’ambassade sur la publication qui accompagne un lien renvoyant vers une déclaration de la Première ministre britannique, Theresa May – en anglais et en arabe -, au sujet des frappes menées en Syrie par Washington, Paris et Londres dans la nuit du 13 au 14 avril.
La presse algérienne, à l’unisson de nombreuses autres institutions, a traité les bombardements sur la Syrie avec un regard critique, et plusieurs médias ont couvert les événements avec précision. La mise au point britannique a donc été ressentie comme condescendante et déplacée sur la toile algérienne.
Les commentaires, qui renvoient souvent à la guerre en Irak de 2003, continuent d’affluer sous le post Facebook. Sur Twitter, le journaliste algérien Abed Charef ironise : « Pour une fois, on peut se réjouir que la presse DZ [algérienne, ndlr] ne comprenne rien. »
Cette action militaire se veut une réponse à l’attaque chimique sur l’ex-ville rebelle de Douma, le 7 avril, imputée au régime syrien. Les frappes sont officiellement restées centrées sur la destruction de sites liés au programme chimique du régime à Damas. L’aspect exceptionnel de cette intervention – les occidentaux, Américains notamment, mènent régulièrement des raids aériens en Syrie dans le cadre de la lutte contre les mouvements jihadistes – est que, cette fois, ce sont des positions de forces fidèles à Bachar qui ont été visées.
Une position officielle ancienne
Pour Alger, c’est une question de principe : les interventions étrangères, qui plus est de pays occidentaux dans le monde arabe, sont à exclure. C’est ce qu’a rappelé le Premier ministre Ahmed Ouyahia dès le 14 avril lors d’une conférence de presse. Le Premier ministre a, à cette occasion, adopté une réaction mesurée, préférant user du verbe « regretter » à un autre plus lourd, et précisant que l’Algérie dénonce tout usage d’armes chimiques.
Une position proche de celle du Maroc, qui a pourtant rappelé son ambassadeur à Damas dès 2011, et se montre souvent plus enclin à s’aligner sur les positions européennes vis-à-vis du Moyen-Orient. « Le Royaume du Maroc déplore (…) l’escalade militaire d’hier en Syrie », précisait ainsi un communiqué du ministère des Affaires étrangères à Rabat.
Londres ne pouvait pas ignorer la position d’Alger, restée plutôt favorable à Damas depuis 2011. Ouyahia avait encore rencontré Bachar al-Assad en avril 2016. Alger milite, aux côtés de Tunis, pour que Damas regagne son siège à la Ligue arabe, resté vide depuis 2011.
Invité à l’Institut français des relations internationales (Ifri) le 11 avril 2018, le ministre algérien des Affaires étrangères, Abdelkader Messahel déclarait ainsi – selon des propos rapportés en français par le site d’informations pro-russe Sputniknews : « Les interventions militaires étrangères (…) ont créé les conditions idoines de non-droit favorisant le développement du terrorisme»,
Pour autant, les positions algériennes n’ont pas empêché certains pans de l’opposition syrienne de contacter en mars dernier les autorités afin de mener une possible médiation avec le régime, selon le quotidien algérien Echorouk. Alger a aussi dépêché son ancien ministre des Affaires étrangères, le très respecté Lakhdar Brahimi, qui a été envoyé spécial de l’ONU en Syrie de 2012 à 2014.
Une opinion publique indignée
La position diplomatique algérienne semble par ailleurs épouser un point de vue partagé dans la classe politique. Sur Facebook, toujours, le Parti des travailleurs, formation de gauche radicale, condamne sans ambages : « Les gouvernements (…) des grandes puissances créent les conditions des guerres. (…) [ce sont] les intérêts stratégiques économiques politiques de ses grandes puissances qui leurs dictent cette intervention militaire. »
Les islamistes tunisiens d’Ennahdha ont donné l’impression d’hésiter après les bombardements. Son leader, Rached Ghannouchi, a évoqué « un grand événement », alors que le reste de la classe politique, dans un pays très marqué par une culture panarabe, a largement et fermement condamné l’action militaire et que des manifestations ont été organisées par des organisations de la société civile. Mais leurs frères algériens, eux, ont adopté une autre attitude.
Son opposition totale au régime de Damas n’a pas empêché le leader islamiste du Mouvement de la société pour la paix, Abderrazak Mokri, de condamner dès le 14 avril « une agression (…) qui constitue une violation du droit international… »
Il semble donc bien que, si incompréhension il y a, elle est à chercher du côté de l’ambassade britannique à Alger.
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