Algérie : la Banque mondiale critique les orientations du gouvernement Ouyahia

Dans un court rapport, l’institution de Bretton Woods déplore le recours à la planche à billets, qui entretient une illusion autour des indicateurs sur la croissance à venir pour 2018. Mais le rapport ne propose que peu d’alternatives à Alger, en dehors de l’endettement extérieur. Une option que le Premier ministre a écarté dans plusieurs discours.

Le Premier ministre algérien Ahmed Ouyahia, lors d’une conférence de presse à Alger en juin 2017. © Sidali Djarboub/AP/SIPA

Le Premier ministre algérien Ahmed Ouyahia, lors d’une conférence de presse à Alger en juin 2017. © Sidali Djarboub/AP/SIPA

CRETOIS Jules

Publié le 18 avril 2018 Lecture : 3 minutes.

« L’année 2018 sera sans aucun doute meilleure que l’année précédente pour plusieurs raisons à commencer par l’augmentation, par l’État, du volume des budgets, ainsi que la dynamique que connaissent l’économie et l’investissement depuis le deuxième semestre de 2017 et les premiers mois de l’année en cours. » Le premier ministre Ahmed Ouyahia se voulait optimiste, ce 14 avril, lors d’une conférence de presse consacrée à la présentation du bilan du gouvernement et dont APS, l’agence de presse algérienne, a rapporté les grandes lignes. Las, un court rapport de deux pages de la Banque mondiale sur les perspectives économiques algériennes, publié ce 17 avril, est venu tempérer ces prévisions radieuses.

Recours à la planche à billets

Certes, écrivent les analystes de l’institution financière, « la croissance devrait reprendre rapidement en 2018 ». Un tableau indique que la croissance du PIB réel en 2018 devrait s’établir à 3,5% contre 2,1 en 2017.

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Mais la phrase continue, et l’euphorie s’arrête là. « Par suite du processus d’expansion budgétaire » cette croissance n’est pas si rassurante, à en croire le document, qui juge durement la politique de recours à la planche à billets.

« L’intention manifestée par les autorités de recourir au financement monétaire est très préoccupante », écrivent les analystes de Bretton Woods, pour qui « le recours au seigneuriage pour financer le déficit budgétaire » peut mener le pays « vers une crise financière ».

« Sans financement non conventionnel, toute l’économie algérienne s’arrêtera brutalement », déclarait encore en septembre 2017 le Premier ministre algérien, devant les sénateurs. Ce sont bien les choix de la Primature qui sont durement jugés dans le document de la Banque mondiale.

 © DR / Banque mondiale

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L’endettement, seule alternative ?

Mais la Banque mondiale ne propose que peu d’alternatives à Alger dans ce court rapport. Devant la persistance du déficit budgétaire, et quand le gouvernement se repose sur la planche à billets, l’institution financière regrette que « les autorités ont jusqu’à présent refusé de financer le déficit en procédant à des emprunts extérieurs ».

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Pour Alger, un endettement extérieur faible (à hauteur de 3,6 % du revenu national brut en 2016, contre environ 46 pour le Maroc ou 69 pour la Tunisie) est perçu comme une chance, mais aussi comme un principe.

En juin 2017, le président Abdelaziz Bouteflika appelait à écarter le recours à l’endettement extérieur afin de préserver la souveraineté économique du pays. La thématique de la souveraineté a aussi animé les discours d’Ouyahia, qui a écarté publiquement le recours à la dette comme solution.

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En mars 2018, les experts du FMI relevaient de leur côté dans un rapport de retour de mission lui peu tendre avec le gouvernement algérien : « La mission est d’avis que l’Algérie a toujours une fenêtre d’opportunité pour concilier ajustement économique et croissance. Avec une dette publique relativement basse et une dette extérieure faible, il est possible de renforcer les finances publiques graduellement. »

Des mesures protectionnistes ambivalentes

La Banque mondiale ne revient pas avec précision sur d’autres choix stratégiques du gouvernement d’Ouyahia, que ce dernier a défendu lors de sa conférence de presse du 14. « Le Premier ministre a par ailleurs souligné que les mesures de limitation de l’importation prises par l’État et mises en vigueur depuis janvier dernier, offrent davantage de marchés nationaux aux opérateurs locaux », rapporte ainsi l’agence de presse algérienne APS.

Le FMI avait de son côté émis des critiques quant à certaines de ces orientations dans son rapport de mars dernier : « La politique commerciale doit avoir pour objectif principal d’encourager les exportations plutôt que d’imposer des barrières non tarifaires aux importations, barrières qui créent de distorsions. »

C’est là que réside la difficulté pour l’Algérie : ses mesures commerciales parfois perçues comme illibérales sont aussi un possible gage. Le protectionnisme d’Alger lui permet de conserver un sérieux stock de devises et de rester un pays rassurant pour tout prêteur hypothétique. La Banque mondiale le reconnaît : « Les projections indiquent une faible diminution du déficit du compte courant qui tombera à 10,2 % en 2020. Ce niveau est jugé gérable, étant donné le montant des réserves (17 mois d’importations à la fin de 2017). »

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