Patrick Mestrallet

Administrateur-directeur général de la CBAO (Compagnie bancaire pour l’Afrique occidentale), première banque du Sénégal, Patrick Mestrallet affiche des résultats en constante progression. De quoi envisager sereinement un éventuel rapprochement avec le gro

Publié le 1 octobre 2007 Lecture : 5 minutes.

Jeune Afrique : Des informations font état d’un éventuel rachat de la CBAO par le groupe marocain Attijariwafa Bank. Quelle est votre réponse ?
Patrick Mestrallet : Il est vrai qu’il existe un intérêt commun, partagé et réciproque, entre les présidences des deux groupes bancaires. À ce jour, les formes de coopération entre ces deux institutions, y compris concernant le volet capitalistique, ne sont pas arrêtées et plusieurs pistes sont à l’étude. Cela explique d’ailleurs la présence d’auditeurs d’Attijariwafa Bank dans nos murs. À ma connaissance, un rachat pur et simple de la CBAO par le groupe marocain (NDLR : Attijariwafa Bank est implanté au Sénégal depuis juillet 2006) n’est pas d’actualité mais des pistes de collaboration sont explorées, et pas seulement dans le secteur bancaire. Un rapprochement peut être envisagé. Notre actionnaire majoritaire qui possède 80 % des parts de la CBAO, le groupe Mimran est aussi propriétaire de la Compagnie sucrière sénégalaise et des Grands Moulins de Dakar.

Les discussions se déroulent donc au niveau des actionnaires de la CBAO et du groupe marocain ?
Oui, et il faut préciser qu’Attijariwafa Bank nous avait déjà approchés en 2004 mais nous avions, à l’époque, décliné leur offre, jugée trop faible. L’institution marocaine a finalement racheté la Banque sénégalo-tunisienne (BST). Aujourd’hui, on peut imaginer que le groupe Mimran baisse sa participation dans le capital de la CBAO en sachant que les autres actionnaires sont l’État sénégalais (8 %) et des privés (12 %).

la suite après cette publicité

Vous venez de publier vos résultats et vous vous proclamez leader des banques sénégalaises. À tous les niveaux ?
En termes de total de bilan, nous sommes la première banque avec 443 milliards de F CFA, devant la Société générale de banques au Sénégal (SGBS). Si l’on considère le volume des dépôts et des créances à la clientèle, nous sommes en deuxième position. La différence se fait sur les engagements par signature, qui sont des cautions bancaires accordées aux entreprises pour leur offrir une garantie. Par exemple, lorsqu’une entreprise veut importer du riz, nous nous portons garants auprès du livreur. Contrairement aux autres banques de la place, nous pouvons délivrer ces cautions très vite car notre centre de décision n’est pas en Europe mais au Sénégal. Si les conditions présentées par les entreprises sont solides, nous pouvons nous engager le jour même. Les entreprises le savent et font plus facilement appel à nous.

Les banques africaines se voient souvent reprocher leur frilosité à l’égard des PME. Est-ce votre cas ?
Au 31 décembre 2006, le total des crédits accordés par l’ensemble des banques sénégalaises était de 1 205 milliards de F CFA. Ce niveau est assez important, me semble-t-il. J’ajoute que ce chiffre prend en considération les crédits directs, hors financements accordés sur le marché financier. Si on prend en compte le total des dépôts de la clientèle, on arrive à 1 413 milliards de F CFA. Concernant la CBAO, les dépôts sont supérieurs de 90 milliards, mais aux créances sur la clientèle il faut ajouter nos souscriptions aux emprunts obligataires et bons du Trésor, soit environ 100 milliards. Au final, les « emplois » et les « ressources » sont à un niveau équivalent. Les réserves obligatoires étant de 9 % au Sénégal, soit environ 20 milliards pour nous, nous empruntons auprès d’autres banques pour respecter ce ratio prudentiel. Toutes les banques européennes le font, nous commençons. D’une façon générale, « l’activité crédit » se porte bien au Sénégal car ce pays attire les liquidités disponibles dans la sous-région. Lorsque l’État émet des emprunts obligataires, il trouve toujours preneur. Dans des pays plus corrompus et moins stables, c’est plus difficile.

Pourtant, les PME continuent de déplorer un accès difficile aux banques
Si les PME font un peu d’efforts pour clarifier leur situation, présenter un bilan comptable, offrir des garanties et lancer des projets « bancables », elles ont des crédits. Nous le voyons par le montant de nos engagements par signature. Nous sommes la banque des PME.

Le taux de bancarisation au Sénégal est de 4,5 % aujourd’hui, contre 4 % en 2001. Comment combler ce retard ?
C’est un vrai problème. La CBAO est passée de 90 agences en 2001 à 196 aujourd’hui. Elle est présente dans tous les coins du pays. En réalité, le secteur bancaire au Sénégal ressemble à celui de la France dans les années 1950. À l’époque, les banques avaient installé des agences sur l’ensemble du territoire puis introduit progressivement des moyens de paiement modernes, comme la carte de crédit. Au Sénégal, nous faisons les deux en même temps. Nous créons des agences et nous développons la monétique, ce qui demande de gros investissements. Mais il faut être réaliste, la bancarisation se développera véritablement lorsque le pouvoir d’achat augmentera. Au Sénégal, il n’y a que 200 000 personnes qui touchent un salaire régulier

la suite après cette publicité

La microfinance peut-elle être une passerelle vers le secteur bancaire ?
La microfinance n’offre pas de moyens de paiement, mais elle reste un biais intéressant. Car si une activité financée par le microcrédit se développe, la banque classique peut ensuite prendre la relève. Nous sommes justement en train de mettre en place un volet microcrédit. Nous attendons l’agrément que nous avons sollicité auprès de la Banque centrale. Nous espérons pouvoir démarrer cette activité en janvier 2008.

Vous avez lancé une carte à puce au début de cette année. Quelles sont les difficultés que vous avez rencontrées ?
Nous sommes effectivement passés de la carte à piste à la carte à puce pour améliorer la souplesse d’utilisation et renforcer la sécurité grâce au code. Nous étions déjà la première banque du Sénégal à avoir proposé une carte de paiement Mastercard en 1992. Aujourd’hui, nous sommes les premiers en Afrique de l’Ouest à offrir des cartes à puce Visa et Mastercard : 45 000 sont déjà mises en service sur 100 000 comptes bancaires. Il a fallu adapter nos guichets et changer tous nos terminaux de paiement, soit un investissement de 600 millions de F CFA entièrement financé sur fonds propres.

la suite après cette publicité

Comment voyez-vous l’arrivée des fonds d’investissement en Afrique ? Est-ce une concurrence pour vous ?
Ils investissent le plus souvent en capital, ils ne sont donc pas des concurrents directs. En revanche, en renforçant les fonds propres des entreprises, ils diminuent le risque. Nous avons tout intérêt à ce que les entreprises puissent renforcer leur capital et qu’il y ait une forte implication des actionnaires. L’arrivée de ces fonds est donc une très bonne nouvelle et je trouve même qu’il n’y en a pas assez.

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires