Ogobara Doumbo

Directeur du Centre de recherche et de formation sur le paludisme de Bamako

Publié le 1 octobre 2007 Lecture : 3 minutes.

Au Mali, un homme de sciences aussi discret que brillant prend de la hauteur. Ogobara Doumbo, 51 ans, chercheur et professeur de parasitologie tropicale est reconnu par la communauté scientifique internationale comme l’un des meilleurs spécialistes mondiaux de la recherche sur le paludisme. Le Centre de recherche et de formation sur le paludisme de Bamako (MRTC, Malaria Research and Training Center), qu’il dirige, fait partie des rares laboratoires à avoir essayé, dès 2003, des vaccins antipaludéens sur l’homme, en collaboration avec l’université du Maryland et le Walter Reed Army Research Institute (États-Unis). Mais Ogobara Doumbo reste modeste. Le chercheur accumule diplômes et fonctions, titres et prix internationaux avec une humilité déconcertante. Et parle toujours au nom de son équipe, une trentaine de chercheurs, tous formés dans les meilleures universités européennes ou américaines et revenus travailler au Mali. Ce qui est suffisamment rare pour être signalé.

Ogobara Doumbo a-t-il un remède miracle contre la « fuite des cerveaux » ? « Des conditions de travail exceptionnelles, répond-il d’emblée. La qualité et la diversité de notre personnel, les possibilités de carrière, les salaires corrects négociés avec l’université de Bamako et nos partenaires américains de l’Institut national des allergies et des maladies infectieuses (Niaid). » Sans oublier que les chercheurs ont la possibilité de publier leurs travaux dans les plus grandes revues scientifiques anglophones. Science, Nature, The Lancet, New England Journal of Medicine « Si elles veulent exister, les équipes de recherche africaines doivent publier leurs résultats, quelle qu’en soit la difficulté. Elles ne peuvent plus attendre que l’on écrive à leur place des articles où les Africains sont uniquement considérés comme des associés »
Ces propos ne font pas pour autant de leur auteur le chantre de la recherche à l’occidentale. Ce serait faire offense à la personnalité pleine de contrastes d’Ogobara Doumbo. Si le besoin s’en fait sentir, l’homme n’hésite pas à associer à ses recherches les tradithérapeutes de Bandiagara, dans le pays dogon. Ce milieu, il le connaît mieux que quiconque, lui le fils et petit-fils de paysans dogons, guérisseurs renommés que l’on venait consulter de très loin. De ses ancêtres, le directeur du MRTC a conservé le goût de l’observation, de l’écoute, de la patience, mais aussi du travail acharné. Nul doute qu’il aurait suivi la même voie si, en ce jour de 1963, il n’avait rencontré sur sa route un médecin venu administrer des vaccins aux élèves de l’école des Blancs, où il était inscrit. Sa décision fut prise : il sera docteur. Mais, pour Ogobara Doumbo, les deux médecines ne doivent pas s’opposer. « Elles sont le fruit d’une longue évolution de nos cultures. »

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Le directeur du MRTC, reconnu « pôle d’excellence pour la recherche contre le paludisme en Afrique » par l’Agence universitaire de la francophonie (AUF), a été élu en juin dernier à l’Académie de médecine française. Du jamais vu. Peu de temps auparavant, il recevait, à l’Institut de France, le prix Christophe-Mérieux d’une valeur de 400 000 euros. Une somme qu’il investira dans le MRTC. Depuis 2006, Ogobara Doumbo est également membre du Bureau scientifique, qui oriente les actions de l’Initiative présidentielle américaine (PMI) contre le paludisme. Mais la plus grande fierté de l’ancien médecin du barrage de Sélingué (Sud) reste la baisse spectaculaire de la mortalité infantile par le paludisme dans le Centre de santé de Bandiagara, où son équipe s’est installée. Il y a dix ans, entre 30 % et 50 % des enfants de moins de 5 ans risquaient de mourir de l’une des formes graves du paludisme. Le chiffre est aujourd’hui tombé à 5 %. Des résultats dus à la symbiose entre les tradithérapeutes et l’équipe médicale d’Ogobara Doumba. Les premiers n’hésitent plus, en effet, à envoyer aux seconds les cas graves qui se présentent à eux. Un modèle de coopération qui devrait bientôt être étendu à tout le Mali. Pour la plus grande fierté du directeur du MRTC.

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