Tunisie : la « grève du lait » n’aura pas lieu… avant la fin du Ramadan
Les acteurs de la filière lait ont promis jeudi de ne pas en bloquer la commercialisation avant la fin du Ramadan, période durant laquelle il est particulièrement consommé. Jusqu’ici, les représentants de l’Utica (patronat) et de l’Utap (centrale agricole) menaçaient de ne plus distribuer de lait demi-écrémé dès le 23 avril.
La réunion entre les représentants de la filière et des ministères de l’Agriculture et de l’Industrie et du Commerce, mardi 17 avril, a réussi à calmer la colère. « Le gouvernement semble avoir compris notre difficile situation. Nous avons décidé de surseoir à tout blocage et de continuer à discuter sur un calendrier de revalorisation progressive des prix », a expliqué jeudi Boubaker Mehri, le président de la Chambre nationale syndicale des industries du lait et dérivés.
Les deux organisations pointent du doigt le gel des prix à la consommation qui maintient un prix très bas, 1,12 dinar (0,38 euro) le litre de lait, contre 1,89 dinar au Maroc et 1,77 dinar en Égypte, alors que les coûts pour les producteurs, collecteurs et industriels ont augmenté.
Aujourd’hui, l’éleveur vend le litre de lait 760 millimes de dinars (0,26 euros) au collecteur qui le revend 820 millimes (0,28 euros) à l’industriel, qui le commercialise donc à 1,120 dinar. L’Union tunisienne de l’industrie, du commerce et de l’artisanat (Utica) et l’Union tunisienne de l’agriculture et de la pêche (Utap) demandent une revalorisation pour chaque acteur de, respectivement, 200, 55 et 100 millimes (0,07 euros, 0,02 et 0,035 euro).
Si les négociations n’aboutissent pas, nous arrêterons la collecte le 21 juin
Boubaker Mehri espère convaincre le gouvernement d’arriver à ces prix d’ici trois ans. « Si les négociations n’aboutissent pas, nous arrêterons la collecte le 21 juin [date correspondant à la fin de Ramadan] », menace Hamda el-Aifi, président de la Chambre national syndicale des centres de collecte du lait, qui salue toutefois la « bonne écoute » du gouvernement.
Dissensions entre organisations
Si le constat d’une activité en péril est partagé par tous, les dissensions existent. Le Syndicat national des agriculteurs (Synagri), présent lors des premières discussions avec l’Utap et l’Utica, n’était plus représenté jeudi. « L’Utap a refusé de signer un communiqué commun avec nous car elle refuse le pluralisme syndical », accuse Karim Daoud, son président. Le Synagri diffère aussi sur les modes d’action.
Ces petits exploitants ont besoin de ce revenu pour vivre surtout que les charges se sont envolées
« Nous sommes d’accord pour que les collecteurs et les industriels arrêtent le travail pour faire pression sur le gouvernement, mais le producteur doit pouvoir continuer à vendre son lait au collecteur, quitte à ce qu’il soit stocké par le secteur industriel », préconise Faouzi Zayabi, vice-président de Synagri. Pour lui, « c’est une question de survie. »
pas moins de 82% des éleveurs de vaches laitières ne possèdent qu’une à cinq têtes, et ces petits exploitants ont besoin de ce revenu pour vivre, surtout que les charges se sont envolées : le prix de la balle de paille a augmenté de 42% et celui des aliments composés de 8% entre 2017 et 2018. Faouzi Zayabi demande une augmentation immédiate du prix du litre de lait de 120 à 130 millimes (de 0,04 à 0,044 euro) pour le producteur.
Conséquence de cette crise laitière, de nombreux éleveurs revendent leur bétail à leurs homologues algériens. Selon Synagri, au moins 30% du cheptel aurait ainsi franchi la frontière. « De 4 000 à 5 000 dinars[(de 1 354 à 1 692 euros] la vache, c’est parfois le seul moyen pour une famille de petits agriculteurs de survivre », précise Faouzi Zayabi. L’Utica et l’Utap en appellent aux autorités sécuritaires « pour mettre fin de la manière la plus ferme » à ce commerce.
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