Miko Rwayitare

L’entrepreneur rwando-congolais est décédé le 24 septembre à l’âge de 66 ans.

Publié le 1 octobre 2007 Lecture : 3 minutes.

«Il n’aimait pas voir la souffrance dans nos yeux. » Tel est le message qu’une jeune femme de Kigali a adressé à ses amis après le décès, le 24 septembre en Belgique, de l’homme d’affaires rwando-congolais Miko Rwayitare. Âgé de 66 ans, il était généralement considéré comme l’un des pionniers de la téléphonie cellulaire sur le continent. Au milieu des années 1980, il avait fondé à Kinshasa Telecel, l’une des toutes premières entreprises du secteur, qui devait connaître une expansion rapide et se transformer en multinationale. Un autre Rwandais – qui l’avait rencontré à Bukavu (République démocratique du Congo) au début des années 1960, puis avait suivi son extraordinaire ascension – le présente comme « un mélange de culture rwandaise et de capitalisme occidental : il ne thésaurisait pas et préférait plutôt donner aux autres ».

Vendre n’était pas sa vocation première. Formé aux humanités chez les jésuites à Bujumbura (Burundi) et à Bukavu, il aspirait sans doute à une autre vie. À l’époque, « Miko » était un sportif, qui venait au collège en vélo de course. Parmi ses occupations, l’apprentissage de la langue de Goethe, qui le poussera, dans les années 1960 alors que l’Afrique sortait de la colonisation, à prendre le chemin de l’Allemagne.
C’est dans ce pays, à l’université de Karlsruhe, qu’il s’oriente vers des études d’ingénieur électronicien. Son diplôme obtenu, il travaille quelque temps dans une entreprise locale avant de rentrer au Zaïre, en 1974. Presque aussitôt, il est recruté en qualité de directeur au service informatique de la présidence de la République. Il se retrouvera ensuite à la Société zaïroise de commercialisation des minerais (Sozacom) au poste de directeur technique. Mais, contre toute attente, alors que toutes ces fonctions de cadre lui permettent de vivre à l’abri du besoin, Miko décide de se lancer dans les affaires. Première étape, la création d’une société de commercialisation de matériel informatique. Il est ainsi à la base de l’introduction, sur le marché zaïrois, des produits des marques Hewlett-Packard et Xerox. L’affaire marche bien jusqu’au jour où le réseau informatique public connaît des problèmes de fonctionnement. Prudent, l’entrepreneur se détourne de la filière.
Deuxième étape, les télécommunications. Au milieu des années 1980, Miko Rwayitare apprend que les États-Unis sont en train de déclassifier le service du téléphone cellulaire et d’ouvrir son accès aux civils. Sans hésiter, il tente sa chance. De 1985 à 1989, il négocie avec les Américains pour obtenir un réseau et une licence d’exploitation. Une première phase pilote de son initiative démarre en 1986. Mais il faudra attendre 1989 pour qu’il fonde, en association avec un Américain, sa société de télécommunications Telecel. Une grande première en Afrique subsaharienne. Sa licence lui permet de créer des réseaux à Kinshasa, Lubumbashi, Goma et Mbuji-Mayi. Il sort des frontières du Zaïre et conquiert des pays comme la Guinée, Madagascar, le Burundi À partir de 1993, avec l’expansion du téléphone cellulaire, le patron de Telecel s’adapte et étend son empire à l’Afrique de l’Ouest, où il comptera jusqu’à douze filiales.

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Les troubles qui vont conduire, en 1996, au changement de régime à Kinshasa contraignent Miko Rwayitare à aller s’installer en Afrique du Sud. Il va alors vendre la plupart de ses filiales, avec une valeur ajoutée, pour ne conserver que les marchés centrafricain, burundais et ougandais. Il se lance également dans les télécommunications numériques et diversifie ses activités. En Afrique du Sud, il achète un vignoble pour produire son propre vin, le Mont Rochelle. Il s’intéresse aussi à l’hôtellerie et au tourisme avec un hôtel cinq étoiles au Cap, et – acquisition récente – un quatre étoiles, le Mille Collines, à Kigali.
Combien pesait-il ? « Il avait tout investi et n’avait pas de cash », répond l’un de ses plus proches collaborateurs. Il laisse, en tout cas, un empire financier « très bien structuré » et le souvenir d’un « travailleur acharné, bon vivant qui aimait la bonne chère et le bon vin, un homme généreux prêt à financer les écoles ». Miko Rwayitera, qui se sentait plus panafricain que rwandais ou congolais, sera inhumé en Afrique du Sud.

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