L’œil de Glez : les moustiques OGM, cauchemar ou solution contre le paludisme ?
Au Burkina Faso, l’expérimentation de moustiques génétiquement modifiés inquiète les populations. Un appel à la pétition a été lancé…
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Damien Glez
Dessinateur et éditorialiste franco-burkinabè.
Publié le 20 avril 2018 Lecture : 3 minutes.
Quel est le pire ennemi du Sahélien moyen, à la tombée de la nuit ? Pas le terroriste, non. Le grand méchant de l’histoire, le plus mortel comme chacun sait, c’est le moustique, tout émoustillé de sucer le sang de chevilles épuisées, insecte dont la famille semble s’être élargie, ces dernières années, avec des cousins qui piquent, eux, le matin. Au menu : démangeaisons et surtout, selon les heures, des maladies infectieuses comme la dengue, le chikungunya, le paludisme et – qui sait ? – le virus zika. Quelle ne fut donc pas la surprise des Burkinabè, lorsqu’ils apprirent que des œufs de moustiques avaient été importés d’Italie au Burkina Faso, avec l’accord de l’Agence nationale de biosécurité (ANB), avec pour objectif un élevage de milliers de mâles prochainement lâchés dans la nature…
Le milliardaire philanthrope américain Bill Gates l’a rappelé mercredi 18 avril : la mortalité liée au paludisme, après une période de déclin, progresse à nouveau, en raison d’une stagnation des efforts pour lutter contre la maladie. La septième édition de la conférence de l’Initiative multilatérale sur le paludisme qui s’achève, ce vendredi, à Dakar, l’a confirmé : la malaria a causé 445 000 décès en 2016, un enfant en meurt toutes les deux minutes, 216 millions de personnes ont contracté la maladie cette année-là et la maladie coûte 12 milliards de dollars à l’économie africaine chaque année, soit 40% des dépenses de santé.
Vaccins, artemisia et… moustiques
Bien sûr, le Mosquirix, vaccin expérimental contre le paludisme, devrait faire l’objet d’une campagne de vaccination dès cette année. Bien sûr, le géant pharmaceutique suisse Novartis annonçait, mardi, qu’il investira plus de 100 millions de dollars, les cinq prochaines années, dans la recherche de nouveaux traitements. Bien sûr, ces dernières semaines, certains présentent l’artemisia, plante utilisée par la médecine chinoise depuis des millénaires, comme un remède miracle. Mais aucune de ces pistes ne fait l’unanimité des scientifiques. C’est pourquoi le Burkina Faso a décidé de miser sur le développement de moustiques génétiquement modifiés, dans le cadre d’un projet intitulé « Target Malaria ».
Alors que les œufs importés ont été confinés au laboratoire de l’Institut de recherche en sciences de la santé (IRSS) de Bobo-Dioulasso, l’élevage devrait produire 10 000 moustiques mâles stériles, avant un premier lâcher dans la nature. Les caractéristiques héréditaires des insectes bobolais pourraient s’en trouver progressivement modifiées, contribuant ainsi à la lutte anti-vectorielle contre l’anophèle. Mais tous les Burkinabè ne l’entendent pas de cette oreille. Lors d’une récente conférence de presse, la Coalition pour la protection du patrimoine génétique africain (COPAGEN) a réitéré son opposition à l’introduction des OGM, que ce soit pour des objectifs agricoles, alimentaires ou de santé. Elle a d’autant plus mis à l’index la dissémination programmée de créatures aux propriétés largement inconnues que la « portée » de moustiques mâles stériles serait potentiellement truffée de 50 femelles fertiles et prêtes à toute aventure avec des insectes non-modifiés.
Pour ancrer les réserves scientifiques dans une réticence populaire formelle, le Collectif citoyen pour l’agroécologie (CCAE) vient d’initier une pétition contre les moustiques génétiquement modifiés, insistant sur le fait que la technique est onéreuse et que l’Homme intègre ne saurait être considéré comme un cobaye. La liste des pétitionnaires sera remise à l’ANB, le samedi 26 mai prochain, à l’issue d’une marche contre les OGM.
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