Centrafrique – Martin Ziguélé : « Sangaris est partie trop tôt »
Situation sécuritaire, retour de la Cemac à Bangui, réouverture d’un bureau d’achat pour l’export de diamants ou encore enseignement de l’écriture du sangho… Le député de Bocaranga, président du MPLC et ancien Premier ministre centrafricain détaille pour Jeune Afrique sa vision des chantiers prioritaires pour son pays.
Président du Mouvement de libération du peuple centrafricain (MLPC), député de Bocaranga et ancien Premier ministre de Ange-Félix Patassé, Martin Ziguélé était de passage en région parisienne à l’occasion du congrès du parti socialiste français, les 7 et 8 avril, où il a été accueilli en VIP. Avant son départ pour Berlin, pour le Congrès de l’Alliance progressiste, il a accordé un entretien à Jeune Afrique.
Jeune Afrique : pensez-vous encore rester à la tête du MLPC après un peu plus d’une dizaine d’années à sa tête ?
Martin Ziguélé : Au MLPC, c’est le congrès qui élit le président du parti. Si le parti me renouvelle sa confiance au prochain congrès prévu l’année prochaine je continuerai le combat à la tête du parti.
Continuez-vous à demander un renforcement de l’assistance militaire internationale en Centrafrique lorsque vous venez en Europe ?
Je ne cache pas à mes interlocuteurs ma conviction qui est que le départ de Sangaris, le jour-même de la prestation de serment de François-Archange Touadéra, est intervenu trop tôt. Un des principaux maux de la Centrafrique est que l’État ne parvient pas à s’imposer dans le pays. Il ne prélève l’impôt que dans cinq préfectures sur seize…
Je dis donc à mes interlocuteurs ce que beaucoup de personnes qui suivent le dossier savent : sans une couverture aérienne plus accrue, l’efficacité de la Minusca restera limitée. Je demande par ailleurs expressément que le volume de la mission militaire de formation conclue avec l’Union européenne (EUTM RCA) durant la transition soit revu à la hausse.
On sait que les Russes ont mis un pied à Bangui, via des ventes d’armes, et que des éléments des forces spéciales russes assurent la sécurité du président Touadéra. Qu’en pensez-vous ?
On entend beaucoup de choses. Des promesses minières auraient été faites, des rencontres avec différents leaders politiques auraient lieu… [Michel Djotodia a rencontré fin mars trois représentants du gouvernement russe à Cotonou. Entretien lors duquel il a été question de l’accès aux mines de platine et de mercure, qui ne sont pas contrôlées par Bangui, ndlr]
Ce qui est certain c’est que les conventions doivent passer devant le Parlement, nous aurons donc bientôt plus d’informations. Le Conseil de sécurité a donné son feu vert et tout ce qui peut aider l’État à reprendre pied est bienvenu.
Vous avez accompagné les militaires centrafricains dans votre ville d’origine, Paoua. Vous êtes satisfait de cette opération ?
Sur le plan symbolique, le retour des forces armées centrafricaines (FACA) à Paoua en janvier était très fort. C’était leur première opération en dehors de Bangui depuis la fin de la guerre à proprement parler et c’était très concluant. La population s’est adressée à ses soldats. Leur déploiement a permis le retour de la population dans des villages aux alentours de Paoua.
J’espère que les FACA pourront bientôt se déployer à Bambari et Bangassou et je sais que c’est prévu pour bientôt. C’est ainsi que le secteur agricole, qui s’est effondré, pourra reprendre : avec le retour des déplacés intérieurs dans leurs villages.
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Vous présidez à l’Assemblée la commission chargée des finances. Où en êtes-vous sur ce dossier ?
Il y avait beaucoup à faire. Le budget de l’État était même gonflé du fait de la prise en compte des « recettes d’ordre » fictives. Il fallait épurer les comptes en préalable à toute politique d’investissement. Nous avons, comme vous le savez, supprimé des exonérations de TVA sur certains produits : il s’agissait souvent de cadeaux fiscaux sans impact sur les prix à la consommation. D’un autre côté, nous avons décidé après débat de ne pas augmenter la fiscalité sur le bois : c’est un secteur qui embauche beaucoup de citoyens.
Quels sont, selon vous, les chantiers prioritaires en Centrafrique ?
Il y en a plusieurs. D’abord, il faut relancer la justice transitionnelle, au point mort. Un comité a été créé il y a un mois pour cela. Nous devons organiser la transhumance. Les groupes armés imposent leurs taxes : ils ponctionnent des milliers de francs CFA sur chaque boeuf qui entre en Centrafrique. Et il y en a environ 10 000 qui entrent chaque mois !
Ensuite, il faut améliorer l’état des routes pour permettre au secteur du bois de profiter du rebond économique européen. Enfin, il faut permettre la réouverture d’un bureau d’achat dans le bassin minier à l’ouest du pays, sous contrôle de Bangui.
Il y a aussi le retour du siège de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac) à Bangui…
Le siège historique de la Cemac est à Bangui. L’opinion publique, comme les autorités centrafricaines, espèrent son retour. Le gouvernement doit maintenant le permettre. D’autant plus qu’il est aussi du devoir de cette institution d’aider la Centrafrique. Nous savons tous que la Cemac vit des moments difficiles, mais son retour à Bangui pourrait faciliter le transfert de savoir-faire, en plus de revivifier la ville.
Vous continuez de militer pour un usage accru du sangho ?
Je pense qu’il faut enseigner à écrire le sangho. Cette langue qui unit tous les Centrafricains pourrait être le ciment de la réconciliation nationale.
Deux ans après l’investiture de Touadéra, le MPLC est-il toujours un parti de la majorité ?
D’une part nous comptons honorer notre engagement envers le président, d’autre part, nous pensons que le temps est à l’unité. Donc oui, nous continuons à soutenir la majorité présidentielle.
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