Janvier Nkurunziza

Économiste à la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (Cnuced).

Publié le 1 octobre 2007 Lecture : 2 minutes.

Jeune Afrique : Dans votre dernier rapport sur le développement économique en Afrique*, vous en appelez à une plus forte mobilisation des ressources intérieures. Pourquoi cette priorité ?
Janvier Nkurunziza : Car l’Afrique subsaharienne est la région en développement qui a le plus bas taux d’épargne. En 2005, il représentait 17,6 % du PIB, contre 26 % en Asie du Sud, par exemple. Mais cette situation n’est pas une fatalité. L’épargne des ménages, les capacités de financement des entreprises, les recettes fiscales des États, les transferts des migrants ou bien encore les capitaux placés à l’étranger sont autant de leviers au développement. Leur montant consolidé n’est pas connu mais nous disposons d’évaluations. Les transferts, informels et formels, des migrants atteignent annuellement jusqu’à 30 milliards de dollars sur le continent. La fiscalité représente seulement 16 % en moyenne du PIB. En se rapprochant des 20 %, les États pourraient renforcer leurs capacités d’investissement.

Mais comment fiscaliser des économies et accentuer les recettes des États, alors que le secteur informel représente dans certains pays 70 % du PIB ?
Premièrement, les recettes disponibles dans le secteur formel sont encore mal collectées. Pour y remédier, il faut améliorer les systèmes fiscaux, former, encadrer et mieux payer les agents des impôts. Sinon, nous ne préconisons pas une augmentation de la pression fiscale sur les contribuables mais un élargissement de l’assiette fiscale. En ce qui concerne le secteur informel, il ne s’agit pas de punir ou de sanctionner, mais l’effort doit porter sur la simplification des procédures et une amélioration du cadre des affaires. Quand il faut des mois pour ouvrir une entreprise, ce n’est pas incitatif !

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Et concernant la fuite des capitaux ?
Ce phénomène est malheureusement connu. Depuis les années 1970, ce sont au moins 400 milliards de dollars qui ont quitté les pays africains, soit près du double de la dette du continent, qui s’élève à 215 milliards de dollars. L’Afrique est créancière nette. Entre 1991 et 1994, les capitaux en fuite ont représenté 7,6 % du PIB annuel. Nous dépassons largement les montants de l’aide étrangère, même en y ajoutant les annulations de dettes.

Concernant la manne des migrants, il s’agit d’une épargne privée. Comment en faire un levier au développement ?
Si la diaspora était convaincue qu’investir sur le continent est rentable, cette question ne se poserait pas. À propos de l’argent de la corruption placé à l’extérieur, le rapatrier nécessite une coopération internationale avec les pays qui abritent ces fonds. C’est difficile mais certains États ont obtenu des résultats, comme le Nigeria. Une partie des sommes détournées et placées en Suisse a été récupérée.

Pour mobiliser ces ressources intérieures, ?cela passe nécessairement par une meilleure ?gouvernance ?
C’est pour cela que nous recommandons la constitution « d’États développementistes ». Ce ne sont pas des États interventionnistes, dirigistes ou protectionnistes, comme on a pu en voir dans le passé. Il s’agit d’États qui favorisent les investissements publics et privés, nationaux et étrangers. Il s’agit également d’États qui ciblent leurs priorités au bénéfice des populations. Bref, cela n’a rien à voir avec les pays prédateurs encore à l’uvre sur le continent !

* « Le Développement économique en Afrique 2007. Retrouver une marge d’action : la mobilisation des ressources intérieures et l’État développementiste. »

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