Erige Sehiri filme « La Voie normale » et raconte la transition tunisienne par le bas
Erige Sehiri, jeune réalisatrice tunisienne, élève une ligne de train au rang de symbole de la transition politique et économique dans le pays.
« Le train 97 conduit dans le noir… Il a un problème de lumière. » La caméra, embarquée dans la locomotive, bouge légèrement au rythme des secousses et virages. À bord, dans la plus grande obscurité, des cheminots s’organisent tant bien que mal pour assurer la desserte. Une scène parmi d’autres de La Voie normale, film documentaire tunisien flirtant avec le road-movie, sorti ce mois d’avril.
« La ligne 1 est surnommée « la voie normale » car c’est la seule construite selon les normes internationales. Ironiquement, c’est aussi la plus délaissée et détériorée du réseau », éclaire le pitch.
Les cheminots viennent à symboliser un peuple qui n’abandonne pas ses espoirs malgré un quotidien précaire
La Voie normale est le premier long-métrage d’Erige Sehiri, réalisatrice du Facebook de mon père, court-métrage documentaire sorti en 2012, dans la foulée de la révolution de 2011. Sur plus d’une heure, elle suit les quotidiens d’Abee, Ahmed, Afef, Issam et Najib, cheminots sur la ligne 1, dans le nord-ouest tunisien, habitués à faire rouler leurs machines défraîchies et dont la hantise est de percuter un passant.
La révolution toujours proche
« Ces rails, je les ai vite vu comme un moyen poétique de raconter la Tunisie en transition. On découvre un chemin de fer délaissé et dont les « anciens » étaient pourtant si fiers. On découvre une jeune génération de cheminots qui réinventent leur métier, redéfinissent leur emploi de manière créative et avec les moyens du bord », nous dit Sehiri.
La révolution est toujours proche dans La Voie normale. Au-delà des seules questions syndicales, les cheminots sont pour certains des militants du rail. C’est le cas d’Issam, que la caméra de Sehiri suit jusque sur les plateaux d’une chaîne de télévision nationale sur laquelle il est invité pour parler de son combat contre la corruption au sein de la compagnie ferroviaire publique tunisienne, la Société nationale des chemins de fer tunisiens (SNCFT). « Issam Fitati n’est rien d’autre qu’un lanceur d’alertes », souligne Sehiri.
Ça et là, d’autres personnages apparaissent, qui entretiennent une relation particulière avec la voie ferrée numéro une, à l’instar de ce jeune rappeur qui fait s’arrêter tout un train pour les besoins du tournage – amateur – de son clip. Sous le regard bienveillant de la caméra de la jeune réalisatrice, les cheminots viennent à symboliser un peuple qui n’abandonne pas ses espoirs malgré un quotidien précaire : la transition par le bas.
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