En quête d’une terre d’accueil

Publié le 1 octobre 2007 Lecture : 4 minutes.

Le centre de commandement américain en Afrique (Africom) se cherche une terre d’accueil. Plusieurs pays ont déjà été consultés : à la mi-avril, une première délégation s’est rendue successivement au Nigeria, en Afrique du Sud, au Kenya, en Éthiopie, au Ghana et au Sénégal pour prendre le pouls de l’opinion publique et discuter avec les dirigeants de la possibilité d’un accord d’établissement. Une deuxième tournée a conduit les émissaires américains en Algérie, au Maroc, en Libye, en Égypte et à Djibouti.
Mais la perspective d’accueillir ce centre de commandement a provoqué une levée de boucliers de la part de plusieurs grands pays africains. Suspectée de vouloir se porter candidate, l’Algérie, par la voix de Mohamed Bedjaoui, alors ministre des Affaires étrangères, a déclaré qu’elle n’avait « jamais accepté l’installation de bases américaines sur son sol », ce qui serait « incompatible avec sa souveraineté et son indépendance ». Réunis le 16 août à Lusaka, en Zambie, dans le cadre de la Communauté pour le développement de l’Afrique australe (SADC), les quatorze pays membres de cette organisation régionale se sont engagés à ne pas abriter les installations du commandement militaire américain. Ils sont chaperonnés par Pretoria, qui s’est empressé d’allumer des contre-feux en menaçant de représailles le pays qui accepterait la proposition de Washington. Mosiuoa Lekota, le ministre sud-africain de la Défense, a ajouté que cette décision rejoignait « une position continentale » de l’Union africaine. Même la Zambie, à laquelle les Américains n’ont rien proposé, s’est invitée dans le concert de protestations. Kenneth Kaunda, père de l’indépendance, imité par le président de la République, Levy Mwanawasa, ont appelé les gouvernements africains à rejeter la demande de l’administration Bush. Pour sa part, le Maroc, plutôt considéré comme pro-américain, a décliné l’offre en juin, tandis que la Libye a formulé le vu que l’Africom ne soit pas admise à s’installer sur le territoire de l’un de ses voisins du Maghreb.
Malgré cet unanimisme de façade, la réalité est bien différente. Le rejet de l’Africom serait difficilement imputable à une « position continentale » de l’Union africaine dans la mesure où plusieurs pays font ostensiblement cavalier seul. S’il existait un embryon de politique étrangère et de sécurité commune à l’Union africaine, elle tiendrait là l’occasion de s’affirmer. Et s’il y avait un socle de valeurs communes aux 53 États du continent, il serait temps de s’y référer pour parler d’une seule voix et peser, pour une fois, sur les grands équilibres mondiaux. Mais on en est loin. Un pays, le Liberia, a officiellement proposé son hospitalité au centre de commandement américain. État convalescent après plus d’une décennie de guerre, il croit pouvoir consolider sa stabilité encore fragile en accueillant des GI’s sur son sol. Sa présidente, Ellen Johnson-Sirleaf, espère ainsi pouvoir endiguer une insécurité sous-régionale endémique par la seule présence du dispositif de l’Africom.
Dans l’ombre de la candidature déclarée du Liberia, on compte des pays qui pourraient difficilement dire non à une demande américaine de cette nature sans remettre en question une vieille tradition de coopération avec Washington. Il s’agit en premier lieu des alliés indéfectibles que sont l’Éthiopie, avec laquelle la Maison Blanche sous-traite déjà la pacification de la Somalie, malgré une gêne grandissante à l’égard du régime de Mélès Zenawi, critiqué pour des violations des droits de l’homme. Mais aussi le Kenya, tête de pont des États-Unis en Afrique orientale, qui a signé en février 1980 un accord avec Washington pour lui permettre l’usage de facilités militaires locales. Sous le régime de Daniel arap Moi, Nairobi a accepté que l’armée américaine utilise les installations portuaires de Mombasa, la base aérienne d’Embakasi et le plateau continental de Malindi, où le Pentagone a fait installer une station destinée au guidage des satellites militaires.
L’Ouganda, qui reçoit chaque année une des plus grosses enveloppes de l’aide publique américaine en Afrique, est cité parmi les postulants potentiels, tout comme le Mozambique, dont l’ambition n’aurait été refrénée que par l’intransigeance de la SADC.
Dans le golfe de Guinée, l’armée américaine entretient déjà une station radar à São Tomé, nouveau venu au club des pays producteurs de pétrole. Son installation dans ce petit pays permettrait à l’Africom de sécuriser les approvisionnements pétroliers américains en provenance de l’Angola, du Gabon, du Congo, de la Guinée équatoriale et du Nigeria.
En Afrique de l’Ouest, le Sénégal, qui aurait été approché eu égard aux liens d’amitié qu’entretiennent Abdoulaye Wade et George Bush, n’aurait pas donné suite. Mais il est peu probable qu’un pays du Sahel soit l’hôte souhaité du « commandement Afrique », à cause de la proximité avec le Sahara, qui abrite des sanctuaires de la succursale africaine d’Al-Qaïda, le Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC). Il reste le Ghana, souvent cité en exemple par les États-Unis pour sa stabilité et sa gouvernance, et présenté comme une option parmi les plus sérieuses retenues par l’administration Bush.
L’expérience passée a montré l’incapacité des Africains à s’entendre sur des questions internationales, comme la guerre d’Irak ou la réforme du Conseil de sécurité de l’ONU. Cette fois encore, il est peu probable que le continent unanime oppose une fin de non-recevoir à l’hyperpuissance américaine. Avant la fin de l’année 2008, le général William Ward, patron de l’US Africa Command, quittera l’Allemagne, où il réside actuellement, pour rejoindre, avec armes et bagages, son nouveau poste d’affectation. Quelque part en Afrique.

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