DSK face à l’impossible réforme

Les changements promis par le nouveau directeur général passent par une redéfinition de la doctrine et du mode de gouvernance de l’institution.

Publié le 1 octobre 2007 Lecture : 3 minutes.

Le socialiste français Dominique Strauss-Kahn (DSK) devrait prendre les rênes du Fonds monétaire international (FMI) à l’issue des réunions annuelles de l’institution, le 22 octobre. Il succédera ainsi à l’Espagnol Rodrigo Rato à un poste traditionnellement dévolu à un Européen.
Proposé par Jean-Claude Juncker, le Premier ministre luxembourgeois, soutenu par le président Sarkozy, conseillé par les gourous d’Euro-RSCG, l’ex-grand argentier de Lionel Jospin a mené une campagne tambour battant aux quatre coins de la planète. Assuré de l’appui européen (32 % des voix), il s’est fait adouber par les États-Unis (12 %) avant de rallier à lui les principaux dirigeants d’Amérique latine et d’Afrique.

DSK, qui s’est présenté comme le candidat de la réforme, a promis que son successeur ne serait pas européen. Il s’est notamment engagé, lors de son grand oral devant les administrateurs du Fonds le 20 septembre, à recentrer les activités sur la surveillance des marchés et le contrôle des changes en tenant compte de l’évolution économique mondiale. Il a également promis de prendre davantage en considération les attentes des petites nations et de donner plus de pouvoir aux grands pays émergents (Chine, Inde, Brésil) à travers une revalorisation de leurs droits de vote et une révision du partage des postes entre pays.
Des propositions aux contours encore flous, qui devront recevoir l’aval d’un board jusqu’ici à la solde des libéraux américains et européens. Et c’est bien là le nud du problème. La légitimité du FMI est plus que jamais contestée. Si les grandes missions du Fonds – préserver la stabilité du système financier international en menant des opérations de surveillance, d’assistance technique et en accordant des prêts ne sont pas remises en question, ses « thérapeutiques » libérales et ses continuelles menaces de sanctions sont dénoncées. Africains, Asiatiques et Latino-Américains ne sont plus disposés à accepter la politique de la carotte et du bâton, les remèdes douloureux (les fameux plans d’ajustement structurel), l’ingérence dans leurs affaires intérieures et l’exposition sans retenue de leurs entreprises et marchés à la voracité de la finance internationale et des multinationales occidentales.
La donne a du reste changé. Le Brésil et de nombreux pays d’Asie sont devenus les créanciers des économies industrialisées (notamment des États-Unis). Ils se passent donc aujourd’hui des services du Fonds, ce qui, par ailleurs, pose la question de la pérennité des ressources d’une institution se refinançant sur les remboursements des prêts. Le Brésil et l’Argentine ont soldé leur dette par anticipation et parlent de lancer avec leurs partenaires latino-américains une grande banque du Sud pour concurrencer le FMI. La Chine, quant à elle, a tout intérêt à renforcer sa présence dans l’administration du Fonds. Mais plus pour y infléchir les décisions que pour redonner de l’élan à l’institution. Pékin cherchera notamment à contrer Washington, qui souhaite faire condamner l’ex-empire du Milieu pour sa politique de change trop compétitive. La Chine ne devrait en tout cas ni suivre ni cautionner les recommandations du Fonds en matière d’aide au développement. Ses banques regorgent de liquidités pour financer des prêts, sa coopération technique est qualifiée d’exemplaire et respecte la souveraineté des États. Elle a donc tout à perdre à avaliser les pratiques du FMI : aide fortement conditionnée, versée au compte-gouttes et sans cesse remise en question.

la suite après cette publicité

DSK n’a pas manqué de faire tous ces constats, qui remettent en cause l’existence même de l’institution. Mais il délivre, à qui veut l’entendre, des messages d’optimisme : « Je veux montrer que l’on peut faire autre chose Être capable de porter les idéaux de solidarité, d’humanisme à l’échelle de la mondialisation. Ce qui implique de rétablir les équilibres financiers des pays en crise sans que des millions de personnes en souffrent. »
À la tête de 2 700 employés et de 340 milliards de dollars de réserves, DSK a cinq ans pour y parvenir. Il devra traduire ses belles paroles en actes à travers une redéfinition de la doctrine et du mode de gouvernance de l’institution. Sa maîtrise des questions politico-économiques, sa force de proposition et ses talents de négociateur suffiront-ils à réaliser ce que certains appellent déjà l’impossible réforme ?

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires