L’œil de Glez : « eSwatini », la politique par le nom
En changeant le nom de son pays le 19 avril, le roi du Swaziland rompt davantage le lien linguistique avec l’ancien colon. Mais est-ce le but de la manœuvre ?
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Damien Glez
Dessinateur et éditorialiste franco-burkinabè.
Publié le 24 avril 2018 Lecture : 2 minutes.
Monarque dépensier d’un pays pauvrissime victime de la sécheresse et d’un fort taux d’infection au VIH, Mswati III a besoin de faire diversion, à l’intérieur, tout autant qu’il a besoin de faire parler, à l’international, de son État méconnu. Au pouvoir depuis 1986, le roi du Swaziland vient donc d’abattre la carte de l’authenticité. À l’occasion du 50e anniversaire de l’indépendance, il vient de rebaptiser cet ancien protectorat britannique. Dites désormais officiellement « eSwatini », terme déjà employé qui signifie, en langue swati, « le pays des Swazis ».
Si personne ne peut censément s’opposer à l’ancrage culturel de la dénomination d’une Nation, quelques dents grincent en évoquant l’arrière-plan de cette décision royale. Un arrière-plan d’autocratie, le dernier monarque absolu d’Afrique démontrant, une fois de plus, qu’il n’a besoin ni d’autorisation législative, ni de modification constitutionnelle au protocole complexe.
Faudra-t-il modifier le nom de certaines institutions ? Faudra-t-il réimprimer les documents officiels ? Faudra-t-il battre monnaie et concevoir de nouveaux billets de lilangeni, la monnaie nationale ?
Arrière-plan de vacuité politique, également, cette nouvelle décision royale n’apparaissant pas comme une priorité. Certes, de nombreux pays ont troqué leur nom teinté d’identité coloniale, comme le Congo belge, la Rhodésie du Sud, le Dahomey ou la Haute-Volta. Mais pourquoi le faire un demi-siècle après la rupture de ce lien colonial ?
Un coût lourd à porter ?
Le parti socialiste du Swaziland, le Pudemo (People’s United Democratic Movement), dénonce un caprice voire un subterfuge destiné à détourner l’attention du monde et du peuple, pour que ceux-ci oublient, un instant, la galère socio-économique et le respect approximatif des droits de l’Homme. Et ceci d’autant plus que le changement de nom du pays, s’il ne crée pas de dynamique en termes de croissance du produit intérieur brut, pourrait avoir un coût lourd à porter.
Faudra-t-il modifier le nom de certaines institutions ? Faudra-t-il réimprimer les documents officiels ? Faudra-t-il battre monnaie et concevoir de nouveaux billets de lilangeni, la monnaie nationale ?
Quel que soit le nom du pays à faire figurer sur les cartes grises, il pourra continuer l’acquisition de véhicules de luxe
Le rusé Mswati III n’ayant guère de comptes à rendre à un parlement -« Mswati » ne signifie-t-il pas « bâton de commandement » en zoulou ?-, il n’est pas sûr qu’il se soit posé toutes ces questions. Le 67e fils du roi Sobhuza II pourra mener le train de vie dispendieux que lui permet une fortune estimée, en 2009, à 200 millions de dollars américains.
Quel que soit le nom du pays à faire figurer sur les cartes grises, il pourra continuer l’acquisition de véhicules de luxe. En 2004 et 2005, il avait acheté, pour lui et ses femmes, 20 voitures de marque BMW ainsi qu’une Daimler-Chrysler Maybach équipée à 500 000 dollars. Certes, ça ne fait pas très « authenticité », BMW…
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