Burundi : les perquisitions désormais autorisées de nuit, sans mandat
Adopté quelques jours avant l’ouverture de la campagne du référendum constitutionnel, le nouveau code de procédure pénale renforce les pouvoirs des forces de l’ordre. Sont désormais autorisées les perquisitions de nuit, sans mandat, ou encore l’acquisition de données informatiques personnelles.
Le texte, adopté à 80,3 % par l’Assemblée nationale le 18 avril, passe mal au sein des organisations de défense des droits humains. « Il s’agit de légaliser des pratiques arbitraires et attentatoires aux droits et libertés individuelles déjà largement utilisées par les services de sécurité burundais depuis le début de la crise », a ainsi réagi la Fédération internationale des droits de l’homme, le 26 avril. L’ONG pointe également la concomitance de ce changement avec le début, le 1er mai, de la campagne officielle du référendum controversé sur le projet d’amendement de la Constitution, dont le vote est fixé au 17 mai.
Des explications qui peinent à convaincre
Une accusation que récuse le gouvernement. Lors du vote de la loi, adoptée par 90 voix contre 22, la ministre de la Justice, Aimée Laurentine Kanyana, a assuré que ce nouveau code de procédure pénale devait être adopté « compte tenu de l’évolution de la criminalité dans notre pays ». Elle a également insisté sur le fait que ces « nouvelles règles » ne concernent qu’une seule opération : les perquisitions. Alors que, jusqu’ici, les policiers ne pouvaient procéder qu’à des perquisitions de jour et munis d’un mandat délivré par un juge, ceux-ci pourront désormais en mener de nuit, sans mandat.
Mais ces explications ne sont pas parvenues à rassurer. À Bujumbura, l’inquiétude est palpable. « Dans nos quartiers, nous faisons face à des bandits et des criminels qui viennent souvent en tenue policière. Désormais, comment saurons-nous faire la différence, si nous devons ouvrir nos portes à n’importe quelle personne se disant policier, et qui n’a même pas de mandat ? », s’interroge un habitant de la capitale, qui craint plutôt l’accroissement de la criminalité, contrairement à ce qu’avance la ministre.
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Une peur partagée par un autre citadin qui, sous couvert d’anonymat, rappelle combien la police est souvent accusée d’être impliquée dans différents cas de violation des droits humains, notamment dénoncées en 2017 par la Commission d’enquête de l’ONU : « Les laisser s’introduire dans nos maisons sans mandat, c’est encourager ces violations », fustige-t-il.
Mails, caméras cachées… La vie privée mise à mal
Les perquisitions sans mandat ne sont en outre pas les seules à susciter la controverse. L’article 72 du nouveau code mentionne ainsi des « perquisitions numériques », autorisant la saisie des données informatiques d’une personne. Là encore, aucun mandat n’est requis. L’opération peut être réalisée « par les officiers de la police judiciaire et sous autorisation du procureur », lit-on dans l’article, qui précise que ces informations peuvent être récupérées en interceptant des communications électroniques.
Aucun pays au monde qui se réclame démocratique ne peut faire voter des lois pareilles
Le texte va même plus loin. L’article 80 confère ainsi au procureur de la République « les pouvoirs » d’autoriser la police judiciaire à installer un « dispositif technique », « à l’insu des intéressés », ayant pour objet « la captation, la fixation, la transmission et l’enregistrement des paroles prononcées par une ou plusieurs personnes à titre privé ou confidentiel, dans des lieux ou véhicules privés ou publics, ou de l’image d’une ou plusieurs personnes se trouvant dans un lieu privé ».
Dans un texte aux allures de pamphlet, un blogueur du collectif Yaga (« Raconter », en kirundi), une plateforme en faveur de la liberté d’expression, s’interroge ainsi sur l’usage qu’auront les policiers de ces photos et vidéos privées. Récemment, des vidéos de couples non mariés, accusés d’adultère, ont par exemple circulé sur les réseaux sociaux. Des images qui auraient été prises et diffusées par des policiers.
Réticences de certains députés
« Aucun pays au monde qui se réclame démocratique ne peut faire voter des lois pareilles. Le pouvoir veut tout simplement installer un climat de panique générale dans le pays », regrette pour sa part le député Fabien Banciryanino, de la coalition de l’opposition Amizero y’Abarundi. Ce dernier doute également des moyens dont dispose l’État pour mettre en place ces dispositions, soupçonnant ainsi l’intervention de la « main invisible » d’une « puissance alliée » de Bujumbura.
L’élu s’étonne également de l’adoption même du code par l’Assemblée nationale : « Le débat a montré que les élus, toutes sensibilités politiques confondues, ne comprenaient pas grand-chose et avaient beaucoup de réticences. Mais quand le moment de voter est arrivé, le texte a été adopté. » 90 députés, ceux du Conseil national pour la défense de la démocratie-Forces de défense de la démocratie (CNDD-FDD, parti au pouvoir), de l’Union pour le progrès national (Uprona) et ceux de l’ethnie minoritaire Twa, ont ainsi voté « pour », contre 22 de la coalition Amizero y’Abarundi.
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