Sousse prépare l’avenir

Haut lieu touristique, avec plus de 1 million de visiteurs par an, important pôle universitaire, la troisième ville du pays est aussi un gros centre industriel. Pour pallier la crise du textile, elle investit en force dans d’autres secteurs porteurs.

Publié le 1 août 2005 Lecture : 6 minutes.

Le 24 juillet de chaque année, Sousse se pare de ses plus beaux atours pour célébrer Baba Aoussou, déformation d’augustus, mois d’août en latin. Cette fête populaire qui plonge ses racines dans l’antiquité – les Romains fêtaient le début de l’été en organisant des réjouissances en l’honneur de Neptune, dieu de la mer – est devenue, depuis 1958, une manifestation officielle. Elle est marquée par un défilé de chars symboliques auquel prennent part les divers opérateurs de la région (organismes publics, entreprises privées, organisations professionnelles, associations sportives…), ainsi que des délégations des villes jumelées avec Sousse, comme Nice, en France, ou Viareggio, en Italie.
Cette année, une dizaine de techniciens russes et six français ont aidé leurs homologues locaux à concevoir les 37 chars qui ont défilé, le 24 juillet, sur le boulevard longeant la plage de Boujaâfar, sous le regard attentif du président Zine el-Abidine Ben Ali, des membres du gouvernement et des hauts responsables du Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD, parti au pouvoir). Des dizaines de milliers de spectateurs, habitants de la ville et de ses environs, mais aussi des touristes européens, ont pris part à cette fête, qui s’est déroulée sous un imposant dispositif de sécurité. Les attentats de Charm el-Cheikh, survenus quarante-huit heures auparavant, étaient, il est vrai, dans tous les esprits.
Héritière d’Hadrumetum, ou Hadrumète, ancienne capitale de la province romaine de la Byzacène, surnommée Jawharat al-Sahel (« Perle du littoral »), Sousse est la troisième ville du pays (après Tunis et Sfax). Située sur la côte orientale, elle est devenue, à partir des années 1970, grâce à ses 77 kilomètres de plages de sable fin, une station balnéaire prisée par les touristes européens et un important centre de production industrielle, sans renoncer pour autant à sa vocation agricole initiale. La ville, qui est considérée comme le fief du pouvoir actuel, n’est pas peu fière de compter parmi ses enfants, outre le président de la République, le Premier ministre Mohamed Ghannouchi et le vice-président du RCD et ancien Premier ministre Hamed Karoui, ainsi qu’un certain nombre de ministres et de hauts fonctionnaires de l’État.
En cet été 2005, Sousse connaît une certaine effervescence. Aux 523 000 habitants que compte le gouvernorat (préfecture) s’ajoutent, en pareille saison, des centaines de milliers de touristes, de travailleurs saisonniers affluant de tout le pays pour profiter du regain d’activité économique, de vacanciers tunisiens, algériens et libyens qui louent, à la semaine ou au mois, des maisons (ou des bungalows) en bord de mer. Les night-clubs à la mode, en particulier le Bora Bora et le Samara Club, font la joie des noctambules.
Avec ses 122 établissements hôteliers d’une capacité d’accueil de 45 000 lits, deux ports de plaisance, deux casinos, deux centres de thalassothérapie, vingt bases nautiques et un terrain de golf à 36 trous, sans parler de sa vieille médina construite au ixe siècle, classée depuis 1986 au Patrimoine mondial de l’Unesco, ses vestiges archéologiques et ses deux musées qui présentent l’une des plus belles collections de mosaïques romaines au monde, Sousse attire, chaque année, plus d’un million de touristes, en majorité européens.
Avec l’accroissement des flux de visiteurs en provenance d’Europe de l’Est, notamment de Russie, les autorités régionales ambitionnent de dépasser bientôt le seuil de 1,5 million de visiteurs. Ils ont d’autant plus de raisons d’espérer que les six premiers mois de l’année ont enregistré une nette hausse des entrées et des réservations et que les hôtels affichent presque tous complet.
« Cet accroissement du nombre de visiteurs ne se traduit pas encore par une hausse équivalente des recettes », déplore cependant un hôtelier de la ville. Les tarifs relativement bas pratiqués par certains de ses confrères, qui croient ainsi maintenir leur compétitivité sur les marchés traditionnels européens, attirent une clientèle moins fortunée, donc moins dépensière. Cela ne fait l’affaire de personne. Restaurateurs, patrons de centres d’animation, vendeurs de bibelots et jusqu’aux petits commerçants s’en plaignent.
Tout le monde aime cependant à penser que la crise du tourisme, provoquée par les attentats terroristes du 11 septembre 2001 aux États-Unis et du 11 avril 2002 à Djerba, appartient au passé. Preuve de ce retour de la confiance : le succès de la station touristique intégrée de Port el-Kantaoui, devenue un fleuron du tourisme au sud de la Méditerranée, a incité autorités et promoteurs locaux à mettre en route un projet de station similaire à Hergla. Située à mi-chemin entre Hammamet (au nord) et Sousse (au sud), cette station sera dotée de trois plans d’eau (port, marina et lac de plaisance), de plusieurs complexes touristiques et résidentiels, d’un village lacustre et d’un terrain de golf. Coût total prévisionnel : 400 millions de dinars (250 millions d’euros).
Autre projet d’envergure qui dopera l’activité touristique régionale : l’aéroport international d’Enfidha, à 35 km au nord de Sousse. Cet ouvrage, dont le coût est estimé à 400 millions de dinars (250 millions d’euros) pour la première tranche et à 600 millions au total (375 millions d’euros), sera réalisé sur un terrain de 5 700 ha. Sa capacité d’accueil atteindra, à terme, 30 millions de passagers par an. L’appel d’offres pour la construction de la première tranche a déjà été lancé. Sept entreprises étrangères ont été présélectionnées : Aéroports de Paris, Aéroports de Nice-Côte d’Azur (France), American International Airport (États-Unis), Airport Company South Africa (Afrique du sud), Tepe Insaate, Akfen (Turquie). L’aéroport devrait être inauguré fin 2008.
Même si l’activité économique reste largement tributaire de la bonne marche du tourisme, la capitale du Sahel possède d’autres atouts. Et non des moindres. Avec ses 15 établissements d’enseignement supérieur, accueillant plus de 30 000 étudiants dans (pratiquement) toutes les spécialités scientifiques, la région est un pôle universitaire important. Elle sera bientôt dotée d’un technopôle spécialisé en mécanique, électronique, informatique et nanotechnologie. Le projet, dont le coût est estimé à 107 millions de dinars (67 millions d’euros), a déjà démarré avec huit noyaux d’entreprises innovantes.
Sousse est également un important centre industriel, qui compte 750 entreprises, employant près de 48 000 personnes. Parmi ces unités de production, 320 sont totalement exportatrices (42 % de l’ensemble) et emploient 30 000 personnes (62,5 %). Près de 220 d’entre elles sont étrangères ou à participation étrangère et assurent 26 000 emplois.
Le textile, qui a longtemps été la fierté de la région, traverse une passe difficile, due à l’exacerbation de la concurrence des produits asiatiques sur les marchés internationaux. Cependant, un grand nombre des entreprises du secteur ont su se mettre à niveau et trouver des nouvelles niches. Certaines, qui font face à de graves difficultés, sont en cours de restructuration. D’autres, enfin, ont été obligées de mettre la clé sous la porte, mettant au chômage des milliers de salariés.
« Heureusement que les autres industries, notamment mécaniques, électriques, électroniques et agroalimentaires, se portent beaucoup mieux, indique un haut fonctionnaire du gouvernorat. Certaines sont même en pleine expansion. » C’est le cas des nombreuses entreprises étrangères totalement exportatrices fabriquant des faisceaux de câbles électriques et des pièces en plastique pour l’industrie automobile. Leoni et Mets, les plus importantes, sont allemandes et fournissent des câbles à Mercedes et Audi. Elles emploient, à elles seules, plus de 6 500 employés.
Un nouveau projet, actuellement en cours de réalisation, devrait doper l’activité industrielle de la région : le district industriel d’Enfidha. Ce complexe d’une superficie totale de 200 ha est mis en place en collaboration avec un groupe d’hommes d’affaires italiens de la région de Veneto, associés au sein de la société Carta Isnardo SPA. Il accueillera bientôt 180 entreprises industrielles innovantes dans diverses spécialités et créera, à terme, 18 000 emplois directs. Le terrain, cédé par l’État à 1 dinar (0,60 euro) l’hectare, a déjà été viabilisé et les hangars commencent à pousser. Les premières entreprises devraient faire tourner leurs machines prochainement.

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