Sharon, Chirac et la vache

Publié le 1 août 2005 Lecture : 3 minutes.

Ariel Sharon chez Jacques Chirac (27-29 juillet), ce n’est pas anecdotique, mais ce n’est pas non plus un événement. Les deux hommes ne s’étaient pas vus depuis quatre ans. Les relations bilatérales sont passées par des moments détestables, le Premier ministre israélien accusant la France de ne pas lutter suffisamment contre l’antisémitisme. Ses outrances ont payé : la veille de son arrivée à Paris, on annonçait que les actes antisémites avaient diminué.

Autre sujet de satisfaction, pour Sharon : la France, jusque-là cataloguée « pro-arabe », a adopté une nouvelle attitude à propos du Liban et de la Syrie. Mais des progrès restent à faire en ce qui concerne l’Iran : Israël veut pousser Paris – et l’Union européenne – à agir pour empêcher la République islamique de se doter de l’arme nucléaire.

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Si sa randonnée parisienne permet à Sharon, âgé de 77 ans mais bien décidé à « rempiler » en 2006, d’afficher sa bonne forme, que retire la France de la visite de l’envahissant Premier ministre ? D’abord, elle met fin à la détérioration de ses relations avec l’État hébreu qui, à la longue, risquait de devenir préjudiciable à ses intérêts, de provoquer des fractures dangereuses au sein du pays et de contrarier les indispensables équilibres de sa diplomatie.
Ensuite, Paris peut espérer reprendre pied au Moyen-Orient – une région devenue chasse gardée américaine ou, plus exactement, américano-israélienne. Comment peser sur le cours des événements et jouer un rôle dans le processus de paix sans dissiper au préalable ses mauvaises relations avec Israël ? D’autant que le moment est opportun : le Premier ministre qu’on accueille est, dans une certaine mesure, un homme de paix. Mais dans quelle mesure ? À Gaza, c’est vrai. Mais qu’en est-il de la Cisjordanie ? Et que fera-t-il après l’évacuation de Gaza ? C’est toute la question. À laquelle Sharon donne des réponses parfaitement claires.
Que dit-il ? Que son partenaire privilégié, ou plutôt unique, est George W. Bush. C’est avec lui qu’il a traité. Et conclu un accord important en 2004 : en conséquence de quoi il conservera les grands blocs de colonies en Cisjordanie y compris Maale Adoumim (ce qui cassera la continuité territoriale d’un éventuel État palestinien). Peut-on espérer une reprise du processus de paix et l’exécution de la « feuille de route », le plan de paix international ? Il y a « un seul plan », estime Sharon, et il concerne Gaza. Après, on verra. Cela dépend des Palestiniens. Qui doivent « renoncer à la violence, au terrorisme »…
Ici, Sharon va plus loin et assène une thèse originale : « Le terrorisme arabe, palestinien, dure depuis cent vingt ans ». On a donc affaire à un terrorisme « héréditaire » et l’on ne voit pas comment les malheureux qui en sont atteints pourraient s’en débarrasser. De toute façon, poursuit l’Israélien, décidément inspiré, il n’y a rien à faire : « Dans notre région, les déclarations, les discours, les promesses et même les accords signés n’ont pas de valeur. Une seule chose compte : les actes. » « Les actes », on l’a compris, cela signifie les faits accomplis, les annexions de territoires, la force. Il répète, malgré tout, qu’il est disposé à « faire des concessions douloureuses » – douloureuses, certes, mais pour qui ?

Le Premier ministre israélien s’est entretenu avec le président français pendant deux heures et demie. Il serait imprudent, les choses étant ce qu’elles sont, comme disait le général de Gaulle, d’y voir l’ombre d’une ombre d’un progrès vers la paix. On retiendra que Sharon considère Chirac comme « l’un des plus grands dirigeants du monde » et qu’il l’a invité dans son ranch du Néguev. De son côté, Chirac lui a offert… une vache ! De quoi causer lorsqu’ils se reverront…

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