Football : en Égypte, tout le monde s’arrache l’image de Mohamed Salah

Communiqués patriotiques, publicités tapageuses mais aussi campagne antidrogue : à mesure qu’il épate la planète football, l’attaquant de Liverpool, Mohamed Salah, est l’objet de multiples récupérations dans son pays, l’Égypte.

Mohamed Salah célèbre avec Sadio Mané (g.) le but de l’égalisation de Liverpool avant la victoire contre Manchester City, en match retour de quart de finale de la Ligue des Champions, le 10 avril 2018 à Manchester. © Rui Vieira/AP/SIPA

Mohamed Salah célèbre avec Sadio Mané (g.) le but de l’égalisation de Liverpool avant la victoire contre Manchester City, en match retour de quart de finale de la Ligue des Champions, le 10 avril 2018 à Manchester. © Rui Vieira/AP/SIPA

Publié le 1 mai 2018 Lecture : 3 minutes.

Au Caire, les plus hautes autorités elles-mêmes ne s’en cachent pas. Mohamed Salah, qui se tient pourtant soigneusement éloigné de la politique, est « un symbole du « soft power » de l’Égypte », a clamé Ahmed Abou Zeid, porte-parole du ministère des Affaires étrangères.

Cette déclaration sur Twitter faisait suite à un nouveau récital de l’attaquant, auteur d’un doublé et de deux passes décisives, lors de la victoire 5-2 des « Reds » sur l’AS Rome, mardi en demi-finale aller de la Ligue des champions. Le match retour a lieu ce mercredi en Italie.

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Ce nouvel exploit a poussé le président Abdel Fattah al-Sissi, également sur les réseaux sociaux, à se dire « fier » de Mohamed Salah « et de tout Égyptien qui porte haut le nom de l’Égypte ».

Dans un pays dont l’image s’est détériorée depuis la révolte de 2011 et les désordres politiques et économiques ayant suivi, les exploits du « Pharaon » représentent une opportunité en or.

« Visage mondial »

Le fait qu’ »un sportif de ce niveau perce le mur médiatique et devienne un visage mondial rejaillit forcément (…) sur son pays d’origine », dit à l’AFP Pascal Boniface, directeur de l’Institut des relations internationales et stratégiques (Iris), auteur d’ouvrages sur la géopolitique du sport.

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Originaire d’un village modeste du delta du Nil (nord), Mohamed Salah a franchi un incontestable palier en terme de notoriété depuis son arrivée l’été dernier en Angleterre, en provenance de l’AS Rome, après une transaction de 42 millions d’euros, plus huit millions de bonus éventuels.

Et les récompenses commencent à s’empiler, au point de faire du joueur de 25 ans une alternative crédible aux deux méga stars Cristiano Ronaldo et Lionel Messi pour le prochain Ballon d’or.

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Le 22 avril, Salah a été désigné meilleur joueur de la saison en Premier League. En janvier, il avait reçu le prix de meilleur joueur africain.

Au-delà de ses performances en club, et après avoir grandement contribué à la première qualification de l’Égypte en coupe du monde depuis 28 ans, son nom pourrait de nouveau faire se lever les foules lors du Mondial-2018 en Russie, qui débute le 14 juin.

« L’estime de soi nationale »

Pascal Boniface reste toutefois sceptique sur la portée des tentatives de récupération politique à l’international, « trop visibles » et comparées « aux anciens moyens de la propagande ».

En revanche, la réussite du prodige égyptien peut avoir un effet important sur « l’estime de soi nationale », poursuit-il.

Dans l’Égypte de 2018, difficile de rivaliser avec le président Sissi en termes d’image. Pourtant, sur les écrans de télévision, en Une de la presse, sur les vitrines des commerces ou sur d’immenses panneaux publicitaires, le visage de Mohamed Salah est omniprésent.

Seul, aux côtés de ses coéquipiers égyptiens ou de ceux de Liverpool, il fait la promotion d’une marque de soda ou d’une banque locale.

Pour le gouvernement, il soutient publiquement une campagne du Conseil national pour les femmes et s’affiche dans un clip du ministère de la Solidarité sociale contre le fléau de la drogue chez les jeunes.

Selon ce ministère, la campagne « Tu es plus fort que la drogue », diffusée en boucle à la télévision, a permis d’augmenter le nombre d’appels vers le service d’assistance.

Le symbole Oum Kalthoum

En Égypte, vouloir faire d’une immense vedette un symbole de puissance n’est pas nouveau, note pour sa part Gamal Abdelgawad, consultant au Centre Al-Ahram pour les études politiques et stratégiques.

A ce titre, « le plus grand symbole du « soft power » de l’Egypte » reste Oum Kalthoum, reine incontestable et toujours indétrônable de la chanson arabe plus de quatre décennies après sa mort, souligne-t-il.

Avant le football, « l’art a été le domaine le plus important » de ce « soft power » égyptien, poursuit M. Abdelgawad.

Reste qu’en raison des enjeux toujours plus grands qui l’entourent, la surexposition du joueur peut aussi désormais être source de conflits.

Une controverse a ainsi enflé sur Twitter ces derniers jours entre l’attaquant des Reds et la Fédération nationale autour d’un portrait de l’international sur l’avion officiel des Pharaons, l’équipe nationale.

Problème : ce portrait figure au côté du logo de l’opérateur mobile « We », parrain de l’Égypte pour le Mondial… et concurrent de Vodafone, sponsor personnel du joueur.

Sur Twitter, Salah est sorti dimanche de son silence en qualifiant l’attitude de la Fédération de « très grande insulte », avant d’annoncer, plus consensuel, quelques heures plus tard, que la situation était « en passe de se résoudre ».

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