L’amère patrie

Publié le 1 août 2005 Lecture : 2 minutes.

Cela se passait le 14 juillet dernier dans les jardins de la résidence de l’ambassadeur de France au Sénégal. La garden-party battait son plein et les buffets copieusement garnis attiraient les invités de tout bord : franco-français, franco-sénégalais, et sénégalais tout court. Je sirotais mon jus de bissap en admirant la vue imprenable sur l’océan : au loin, l’île de Gorée se détachait tel un paquebot sur la mer. Une scène a attiré mon attention. À quelques pas de moi, un Français dans la force de l’âge secouait à la décrocher la main d’un septuagénaire sénégalais. « Vous êtes un grand monsieur », lui dit-il avant de le quitter.

Le « grand monsieur » en question était un ancien combattant, comme en témoignaient les nombreuses décorations accrochées à sa veste : Légion d’honneur, ordre du Mérite français, médaille de la Valeur militaire, ordre de la Brigade… Cet ancien officier de l’armée française, qui avait intégré les forces armées sénégalaises après l’indépendance, m’expliqua qu’il appréciait d’être invité à toutes les manifestations organisées par l’ambassade de France. « Ce matin encore, j’étais à la cérémonie de prise d’armes à Bel-Air. Le 11 novembre aussi, on ne manque jamais de m’inviter à la base aérienne de Ouakam pour la célébration de l’armistice de 1918 », m’a-t-il dit.

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Puis, de l’amertume dans la voix, il m’a raconté à quel point l’armée sénégalaise le décevait : « Ils ne me convient même pas à la Fête de l’indépendance du 4 avril. C’est anormal qu’un officier supérieur à la retraite ne soit pas invité aux cérémonies organisées par l’armée sénégalaise. Cette attitude me chagrine. »

J’ai opiné d’un air grave. Le regard perdu sur l’océan, il a tristement poursuivi : « Cela dit, la France n’est pas non plus si reconnaissante que ça. Elle n’a toujours pas résolu le problème des pensions des anciens combattants africains. Ce qui entraîne des différences de traitement, alors que les soldats de l’armée coloniale ont eu une part très active pendant les guerres de 14-18, de 39-45, d’Indochine et d’Algérie. Vous savez, ma fille, les balles, elles, ne faisaient pas de distinction entre les hommes. »
Les Français, ces derniers temps tout du moins, font de belles promesses ou tiennent de beaux discours, à l’image de leur président, mais les réalisations ne suivent pas. Les anciens combattants africains en savent quelque chose, eux qui attendent toujours leur dû.

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