L’Allemagne déclare la guerre à la France

Publié le 1 août 2005 Lecture : 3 minutes.

« Le moment est tellement favorable au point de vue militaire que, selon toute prévision, il n’en reviendra pas un semblable », déclarait Ludwig von Moltke à la veille de la guerre. Le chef d’état-major (et neveu d’Helmut von Moltke, qui, en 1870, avait défait l’armée française…) donnait, côté allemand, le ton du conflit mondial à venir. Pour les héritiers de Bismarck, la situation ne pouvait plus durer : l’Allemagne, puissance prospère, cherchait depuis longtemps déjà un exutoire à sa vitalité et des débouchés commerciaux à la hauteur de ses ambitions.

Écartée du grand partage colonial en Afrique, elle avait convoité – en vain – les possessions de la France et de la Grande-Bretagne. Ses tentatives de déstabilisation du Maroc avaient été déjouées en 1905 et en 1911, et les Français avaient même fini par obtenir une reconnaissance internationale de leur protectorat. Maigre lot de consolation, l’empereur Guillaume II, qui aspirait à un destin mondial, ne s’était vu octroyer qu’un territoire situé entre le Cameroun et le Congo belge, surnommé le « Bec de canard »…
Parallèlement, l’Allemagne s’était lancée dans une périlleuse course aux armements navals avec la Grande-Bretagne. Et en juillet 1913, elle avait porté ses effectifs en temps de paix de 623 000 à 820 000 hommes. La France, son « ennemi héréditaire », dont les écoliers s’obstinaient, depuis une quarantaine d’années, à colorier en noir l’Alsace et la Lorraine sur la carte de leur « patrie mutilée », avait répondu en adoptant la « loi de trois ans » : 750 000 hommes étaient mobilisables.

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En ce bel été de 1914, orgueil et nationalisme exacerbés aidant, plus aucune nation européenne, prisonnière du jeu des alliances qui, depuis les années 1880-1890, façonnait la diplomatie continentale, n’avait l’envie ou le courage de retenir ses alliés belliqueux. Il y avait d’un côté, la Triplice, composée, outre de l’Allemagne, de la frivole Italie et d’un Empire austro-hongrois miné par les revendications de ses minorités nationales. Et, de l’autre, la Triple Entente, trio tout aussi improbable, mais qui se révélerait plus soudé dans l’épreuve : la France républicaine, la Russie autocratique et l’Angleterre, avec laquelle ces deux premiers pays avaient réglé leurs différends.
Comme lasses d’avoir surmonté une série de crises graves, les puissances européennes ne semblaient plus d’accord que sur un point : « plutôt une guerre que cette éternelle attente ». Ne manquait plus qu’un prétexte : l’assassinat de François-Ferdinand de Habsbourg, héritier de l’Empire austro-hongrois, par un étudiant bosniaque, le 28 juin 1914 à Sarajevo, allait en faire office. Vienne s’empressa d’y voir la main de l’insolente Serbie, qui incitait les minorités slaves à s’émanciper de l’Empire. L’Autriche adressa un ultimatum à la Serbie et, jugeant la réponse insatisfaisante, lui déclara la guerre, le 28 juillet. Deux jours plus tard, la Russie accourait au secours de son petit protégé et mobilisait, sans écouter les conseils de prudence de la France. L’Allemagne entrait dans cette danse macabre en sommant la Russie de céder et en exigeant de la France qu’elle clarifie son attitude.

Le 1er août à 4 heures de l’après-midi, lorsque tous les clochers de France firent entendre leur lugubre tocsin, sonnant l’ordre de mobilisation générale, nul ne se faisait plus d’illusions : la veille, la seule grande voix encore capable d’influer sur le cours des événements s’était tue. Jean Jaurès, chef du Parti socialiste et fondateur du journal L’Humanité, avait été assassiné. Dès lors, la gauche jusque-là pacifiste s’empressait de basculer dans l’Union sacrée, à l’instar de Jules Guesde et de Marcel Sembat, qui rejoignaient le gouvernement Viviani. Partout, l’heure était à la défense de la patrie… Et le 3 août, l’Allemagne déclarait la guerre à la France.
L’imprévisibilité de Guillaume II, l’intransigeance de François-Joseph, la maladresse de Nicolas II, l’esprit revanchard du président Poincaré, mais aussi la fidélité de l’Angleterre à la neutralité de la Belgique, violée par les Allemands, et, surtout, le délire collectif de peuples submergés par la haine nationaliste allaient se conjuguer pour aboutir au suicide de l’Europe. Avant la Grande Guerre, ce continent dominait le monde. Quatre ans plus tard, en proie à une profonde crise politique, sociale et morale, confronté à la Révolution russe et à l’effondrement de la production, saigné par 13 millions de pertes humaines, il n’était plus que l’ombre de lui-même. Il ne s’en est jamais relevé.

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