Mozambique : le décès du leader de l’opposition Afonso Dhlakama plonge le pays dans l’incertitude
Le chef historique de la guérilla et de l’opposition du Mozambique, Afonso Dhlakama, est décédé jeudi à l’âge de 65 ans. Cette disparition laisse place à une lourde incertitude sur le processus de paix en cours avec le gouvernement.
« C’est une mauvaise période pour nous, et encore plus pour moi », a réagi le président Filipe Nyusi lors d’une interview à la télévision d’État TVM.
Selon des sources à la Résistance nationale du Mozambique (Renamo), Afonso Dhlakama aurait succombé à une crise cardiaque jeudi 3 mai.
On ne peut pas être sans opposition, l’opposition ne fait de mal à personne », a réagi le président Filipe Nyusi
Afonso Dhlakama « a tout fait pour qu’il y ait la paix […], c’est un citoyen qui a toujours travaillé pour le Mozambique », a souligné le président. « Mais concentrons nous désormais, y compris la Renamo, pour que le Mozambique n’ait pas de problèmes », a-t-il ajouté, appelant l’opposition à continuer son travail. « On ne peut pas être sans opposition, l’opposition ne fait de mal à personne. »
Pendant 39 ans, Afonso Dhlakama a dirigé la Renamo, qui a combattu, jusqu’à la fin de la guerre civile en 1992, le Front de libération du Mozambique (Frelimo, au pouvoir) avant de devenir un parti d’opposition. La Renamo avait toutefois repris les armes en 2013, dans le centre du pays, pour contester la mainmise du Frelimo, aux commandes du Mozambique depuis l’indépendance de 1975.
Quelle succession ?
Le décès d’Afonso Dhlakama intervient à un moment crucial pour le Mozambique, alors que le chef de l’opposition et le président Nyusi étaient en pourparlers pour la paix.
« Son décès et l’absence de plan connu pour sa succession au sein de son parti la Renamo vont assurément faire planer l’incertitude sur la situation politique dans le pays », explique Zenaida Machado, spécialiste du Mozambique pour l’organisation Human Rights Watch (HRW).
Ils « soulèvent aussi la question essentielle de la capacité du prochain leader de contrôler des centaines d’hommes armés qui se trouvent dans le bush et de négocier une paix durable avec le gouvernement », a-t-elle ajouté.
Fin 2016, Afonso Dhlakama, qui vivait retranché dans les montagnes de Gorongosa (centre) depuis octobre 2015, avait proclamé un cessez-le-feu pour faire avancer les négociations avec le pouvoir. Cette trêve est depuis largement respectée, mais aucun accord formel n’a encore été signé entre les deux parties.
« Porte-parole des pauvres »
Né dans la province centrale de Sofala en 1953, Afonso Dhlakama, qui a fait des études primaires chez les missionnaires catholiques à Beira (est), avait servi dans l’armée coloniale portugaise avant de rejoindre les rangs du Frelimo, en guerre pour l’indépendance.
Un an après l’indépendance obtenue en 1975, il quitte le Frelimo, qu’il accuse d’être sous la coupe de Moscou. Il participe à la création de la Renamo avec le soutien actif du régime d’apartheid de l’Afrique du Sud voisine, très inquiète de l’émergence à ses portes d’un régime marxiste susceptible de soutenir les militants anti-apartheid.
Quand le chef de la Renamo André Matsangaissa est tué au combat, Afonso Dhlakama prend naturellement la tête du mouvement en 1979. Pendant la guerre civile, qui fait un million de morts, le mouvement qu’il dirige d’une main de fer se rend coupable d’atrocités.
Le peuple pense que je peux initier un changement démocratique de gouvernement », avait déclaré Afonso Dhlakama
La Renamo signe finalement les accords de paix d’octobre 1992 à Rome, et l’ex-rébellion se transforme progressivement en parti politique traditionnel, avec Afonso Dhlakama toujours à sa tête. Lors des premières élections démocratiques organisées au Mozambique en 1994, l’ex-guérilléro n’accepte pas dans un premier temps sa défaite, faisant craindre une reprise de la guerre civile.
Finalement, il rentre dans le rang. « Je me présente comme le porte-parole des pauvres », avait-il déclaré en 2014. « Le peuple pense que je peux initier un changement démocratique de gouvernement », avait-il ajouté.
Afonso Dhlakama n’a jamais réussi à s’imposer aux différents scrutins présidentiels auxquels il s’est présenté. Son décès intervient à un peu plus d’un an des élections générales prévues le 15 octobre 2019, auxquelles il devait se présenter.
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