Kanye West, l’idiot utile au grand capital
Les récentes déclarations du rappeur américain proche de Donald Trump sur l’esclavage – qu’il a qualifié de « choix » – sont un signe de plus de la faillite de la pensée, juge le sociologue Michel Bampély.
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Michel Bampély
Sociologue des mondes de l’art et de la culture, à Paris.
Publié le 15 mai 2018 Lecture : 2 minutes.
Tribune. Le rappeur américain est de retour après plus d’un an d’absence sur les réseaux sociaux. Et c’est son soutien au président américain et ses propos sur l’esclavage qui alimentent les conversations. Le 25 avril, il déclarait sur Twitter que Donald Trump était son « frère ». Quelques jours plus tard, sur le site TMZ, spécialisé dans l’actualité des célébrités, il expliquait : « On entend parler de l’esclavage qui a duré 400 ans. Pendant 400 ans ? Ça ressemble à un choix. »
Kanye West doit sa célébrité à sa musique et à sa communication. Il s’adapte aux mutations de la société marchande, répond à la dictature de l’immédiateté, de l’irréfléchi, de la petite phrase qui deviendra virale. Par ses prises de position hallucinantes, il s’offre une tribune pour promouvoir son nouveau projet. Celui qu’Obama avait qualifié « d’imbécile » (après qu’il eut humilié Taylor Swift lors des MTV Video Music Awards de 2009) a reçu le soutien d’éditorialistes républicains saluant le courage « du libre-penseur. »
On assiste là à la faillite de la pensée, aux limites de la communication. Les intellectuels ont perdu de leur influence face à certains « bons clients » venus de la chanson, du cinéma, de la téléréalité, qui s’agitent sur les réseaux sociaux. Les rois de l’industrie du divertissement s’emparent du débat d’idées.
>>> A LIRE – L’esclavage est un « choix » : Kanye West s’enfonce après ses propos sur la « victimisation » des Noirs américains
La NAACP (Association nationale pour la promotion des gens de couleur) a rappelé sur Twitter que « le peuple noir a combattu l’esclavage dès le moment où il a mis le pied sur ce continent ». Les positions sociétales de Kanye West posent un problème à l’Amérique. Pour un artiste noir aussi populaire, approuver les salves identitaires de Trump, c’est renoncer à plus d’un demi-siècle de lutte pour les droits civiques, piétiner la dignité de ses ancêtres.
C’est nier l’apport des femmes et des hommes venus « des pays de merde » à la construction de la nation américaine. C’est allumer un feu de joie avec le Ku Klux Klan sur la tombe de Martin Luther King. Le jour viendra peut-être où Yeezy sera moins rentable, les médias de masse lui tourneront alors le dos, et ses pitreries finiront dans les poubelles de l’Histoire.
Je préfère mille fois saluer le courage politique de Natalie Portman, qui ne s’est pas rendue à Jérusalem pour revoir le prix Genesis afin de manifester son désaccord avec la politique du Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou. Aller à l’encontre de cet éternel idéal qui consiste à militer contre la violence et le racisme ne fait pas de Kanye West un libre-penseur, mais plutôt une énième marionnette de l’ordre économique mondial.
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