Un Rifain sous les bombes

Publié le 31 juillet 2006 Lecture : 2 minutes.

Je vous parle de temps en temps de mon ami Abdelkader Benali, le grand écrivain hollandais originaire du Rif. Je dis bien : hollandais, car c’est de l’écrivain qu’il s’agit. En tant que personne, il est marocain et fier de l’être, même s’il entretient des rapports compliqués avec le pays de ses ancêtres. Si je vous parle d’Abdelkader, c’est qu’il se trouve aujourd’hui à Beyrouth, sous les bombes, dans la poussière et le chaos, et qu’il refuse obstinément de se faire évacuer par l’ambassade des Pays-Bas.
On suit tous au jour le jour, presque heure par heure, la progression de la tragédie libanaise. Mais quand un de vos meilleurs amis se trouve au cur du débat, si l’on ose dire, les informations prennent un sens nouveau. À chaque fois qu’on entend qu’un immeuble a été détruit par une bombe, on tremble en pensant que le sympathique Abdel se trouve peut-être sous les décombres.
Vous me dites :
– Mais pourquoi reste-t-il à Beyrouth ? Il n’a qu’à rentrer à Amsterdam où les immeubles penchent mais ne tombent pas.
Bien sûr. Mais là, c’est la raison qui parle et que peut la raison contre l’amour ? Voilà les faits : il y a quelques mois, Abdelkader, qui en a assez de sortir avec des Hollandaises plus grandes que lui, décide de se dégotter une petite amie arabe. Comme il voyage beaucoup, c’est au Liban qu’il finit par trouver chaussure à son pied. Elle s’appelle N, il s’appelle Abdelkader, ils se plaisent : il croit donc que tout va bien, que le soleil brille et que le mariage est proche. Mais un jour la dulcinée lui apprend qu’elle est druze. Et Abdelkader se découvre sunnite, ce qu’il ignorait complètement.
– Et alors ? demande le sunnite récent (et réticent).
– Alors, lui dit Nada en pleurs, les Druzes ne se marient pas en dehors de leur communauté.

Voilà donc l’ami Abdelkader victime de coutumes qu’il ignorait. Son sang de Rifain hollandais ne fait qu’un tour. Il se rue à l’aéroport et va s’installer à Beyrouth dans l’espoir d’attendrir les parents de la princesse et d’annuler à son profit deux siècles de tradition farouche. Sur ces entrefaites, le Hezbollah et Israël se prennent à la gorge comme saoulards dans un bistrot, et Abdelkader se trouve pris dans la rixe générale.
Pas question d’abandonner l’élue de mon cur, proclame le fier Abdelkader, stoïque sous la pluie d’obus. Ami lecteur, prie avec moi pour que le cur des Druzes s’amadoue et qu’à l’issue des hostilités cette estimable communauté accepte Abdelkader en son sein, lui qui a lié son sort au leur même sous la mitraille. Un Marocain serait donc le premier étranger promu Druze d’honneur. Ça ne vaut pas les médailles olympiques d’El-Guerrouj, mais ce n’est pas mal non plus.

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