Guo Tianmin, l’atout diplomatique de Huawei
Ancien ambassadeur dans plusieurs pays d’Afrique, le vice-président de l’équipementier chinois a conservé un bon carnet d’adresses, qui lui permet de conquérir de nouveaux marchés sur le continent.
Début septembre à Tianjin, haut lieu de l’aéronautique et de l’électronique dans le nord-est de la Chine, Ibrahim Boubacar Keïta, l’invité d’honneur du Meeting des nouveaux champions du Forum économique mondial, a multiplié les rendez-vous. Mais celui qui l’a particulièrement « enchanté », selon l’un des conseillers du président malien, fut Guo Tianmin, vice-président de Huawei depuis huit ans, l’homme à qui l’on attribue en grande partie la percée de l’équipementier télécoms chinois (réseau, radio, stockage, serveurs, etc.) sur le continent.
« Durant trente minutes, raconte Mahamadou Camara, ministre de la Communication du Mali, qui a participé à la discussion, le patron est revenu sur l’historique de Huawei, sa position de numéro un mondial, le fait qu’il travaille avec tous les opérateurs télécoms, etc. Il est excellent en relations publiques ! »
Ancien ambassadeur de la Chine au Congo, au Mali, au Tchad ou encore au Gabon, Guo Tianmin a passé plus de vingt-quatre ans en Afrique.
Mais pour séduire le chef d’État africain, c’est sur la fibre sentimentale que ce Chinois, la soixantaine élégante, a misé : « Il joue beaucoup sur sa maîtrise du français et surtout sur sa bonne connaissance du Mali », poursuit le ministre.
Ancien ambassadeur de la Chine au Congo, au Mali, au Tchad ou encore au Gabon, Guo Tianmin a passé plus de vingt-quatre ans en Afrique. Il a fait du continent son terrain de jeu favori. Et sa stratégie semble porter ses fruits. En 2013, l’entreprise a réalisé un chiffre d’affaires de plus de 10 milliards d’euros en Europe, au Moyen-Orient et en Afrique, soit une augmentation de 9,4 % des ventes sur un an.
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Si les perspectives sont bonnes, Guo Tianmin préfère cependant cultiver la discrétion. « Parler de moi est contraire au règlement intérieur de l’entreprise », oppose-t-il à la demande d’interview de Jeune Afrique, en nous renvoyant vers le service de presse du groupe pour toute question.
Se démarquer
De son passé de diplomate, il a gardé un carnet d’adresses bien fourni et surtout de bonnes relations au plus haut niveau des États. Laure Olga Gondjout, ancienne ministre gabonaise de la Communication, ne tarit pas d’éloges à son sujet : « Guo Tianmin s’est toujours montré disponible, chaleureux et infatigable. Il a pris part à toutes les initiatives qui ont permis à la Chine de poursuivre et de renforcer, au Gabon, des actions de développement… »
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Tenant à ce que Huawei se démarque des autres sociétés chinoises, Guo Tianmin la présente comme une entreprise 100 % privée. « Notre gestion est totalement autonome, l’État ne nous fait pas de faveurs, assure-t-il. Mais nous avons la chance d’être établis à Shenzhen, zone économique spéciale, qui nous permet de bénéficier d’une série de mesures avantageuses, notamment pour le recrutement et l’exportation. »
Ainsi, Huawei travaille même avec les quatre gouvernements qui tournent le dos à Pékin, lui préférant Taïwan. São Tomé-et-Príncipe, la Gambie et le Swaziland ont ainsi fait appel aux services de Huawei. Et une mission gouvernementale du Burkina Faso a rencontré l’ancien diplomate, en septembre, à Shenzhen.
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Rassurant
« Nous sommes l’une des meilleures sociétés chinoises sur le continent, estime ce vice-président expérimenté, qui travaille aux côtés de Ren Zhengfei, l’ancien militaire qui a créé le groupe en 1987. Nous ne faisons pas du « made in China ». Nous proposons le meilleur, en termes de prix, de services et d’équipements. »
Balayant le cliché selon lequel les entreprises chinoises rechigneraient à s’associer avec des étrangers, le chef d’entreprise cite quelques-uns de ses partenaires : le cabinet international d’audit et de conseil PwC ou l’américain Hay Group, spécialiste du conseil en management. « Nous accueillons à bras ouverts les expériences d’autrui ! Nous combattons le protectionnisme commercial », se défend-il.
Et de rappeler que sur les 150 000 employés de Huawei, de plus de 150 nationalités différentes, 7 800 sont établis en Afrique. Guo Tianmin assure par ailleurs que son groupe s’efforce de travailler sur le transfert de hautes technologies. Pour preuve : les sept centres de formation établis sur le continent, du Caire à Kinshasa en passant par Luanda, avec une capacité d’accueil de 12 000 « talents » par an, proposent un enseignement en ingénierie et techniques dans les TIC (technologies de l’information et de la communication).
Promesses
Pour ce grand patron, le « Feizhou » (« continent du néant »), comme les Chinois appellent l’Afrique, regorge de promesses. « Grâce à la mise en application de l’internet très haut débit et du cloud computing, on pourra créer une valeur ajoutée de 1 000 milliards de dollars à l’horizon 2020 », assure-t-il.
En septembre, Huawei a annoncé son intention d’investir plus de 4 milliards de dollars (3,1 milliards d’euros) dans la recherche et le développement de la technologie large bande fixe sur les trois prochaines années.
Mais la concurrence est déjà rude, et la compétition sans merci avec ZTE, l’autre équipementier télécoms chinois. « Nous n’avons qu’un seul grand principe : ne jamais leur laisser un marché, affirme un jeune cadre basé au Tchad. Nokia et Siemens sont tombés, nous nous devons d’être offensifs. »
Pour cet ingénieur chinois, fraîchement débauché de ZTE, l’entreprise représentée par Guo Tianmin symbolise l’avenir, comparée aux vieilles locomotives d’État, rongées par la corruption.
Soupçons
Pourtant, l’entreprise n’échappe pas à la règle : 116 employés ont récemment été suspectés de corruption et quatre salariés ont finalement été remis à la justice en septembre.
Soupçonné d’espionnage, Huawei s’est déjà vu fermer les marchés américain, canadien et australien.
Face à cette affaire, Guo Tianmin tente de jouer l’ouverture et la transparence.
Il réplique que le groupe fait aujourd’hui des efforts, prenant pour exemple sa récente participation à une conférence sur la corruption dans les grandes entreprises organisée par l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques).
Dans sa conquête de nouveaux territoires, le patron chinois se veut rassurant. Il faut dire que, soupçonné cette fois d’espionnage, Huawei s’est déjà vu fermer les marchés américain, canadien et australien.
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