Accra voit le shopping en version XXL
Le Ghana, nouvel eldorado pour les marques internationales ? Ce pays, où le pouvoir d’achat des ménages ne cesse de croître, s’apprête à accueillir le plus grand mall d’Afrique de l’Ouest.
Il suffit de trente minutes en voiture depuis le centre d’Accra pour atteindre Weija, ce quartier florissant qui accueillera bientôt le plus grand centre commercial d’Afrique de l’Ouest. Un grand projet immobilier et une nouvelle route attenante sont en construction dans le cadre du développement du West Hills Mall. Ce complexe à 100 millions de dollars (78 millions d’euros) sera la deuxième réalisation du groupe sud-africain Atterbury, après celui sorti de terre dans le centre de la capitale ghanéenne en 2007. Et les promoteurs immobiliers sont optimistes. « Nous voulons créer un « petit Dubaï » au Ghana », s’enthousiasme Johan Venter, responsable de la distribution pour Atterbury dans le pays.
À la fin de ce mois d’octobre, le West Hills Mall atteindra 27 700 m2. Puis, à l’issue de la seconde phase de construction, il s’étendra sur 39 000 m2, soit 12 000 m2 de plus que le Polo Park Mall, l’actuel plus grand centre commercial de la région, situé à Enugu, au Nigeria. La société West Hills Mall Limited est détenue à 60 % par Delico Investments (dont Atterbury est actionnaire majoritaire à 75 %) et par Ghana’s Social Security and National Insurance Trust (SSNIT), qui détient les 40 % restants.
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Pour Atterbury, le Ghana est un pays d’implantation idéal en Afrique de l’Ouest. La stabilité politique, les faibles coûts et la volonté de développer l’économie permettent aux professionnels de la distribution d’investir sur le long terme et d’utiliser le pays comme plateforme pour leur croissance régionale.
Informel
Mais les centres commerciaux doivent fournir d’importants efforts pour attirer un plus grand nombre de consommateurs. « Les gens continuent d’aller faire leurs courses au marché. Ils préfèrent acheter leurs produits de base dans l’épicerie la plus proche de chez eux », explique Moses Luri, responsable de la location commerciale chez Broll Ghana. Ainsi, l’informel domine encore l’industrie de la distribution.
Cependant, même si les chiffres du secteur formel restent anecdotiques, celui-ci connaît une expansion visible et rapide. Les niveaux de consommation des ménages ont explosé ces dix dernières années. Ils ont atteint 28,4 milliards de dollars l’année dernière, contre 6,2 milliards de dollars en 2003. Et selon la Banque mondiale, le PIB par habitant est passé de 426 dollars en 2004 à 1 850 dollars en 2013.
En pleine expansion, la classe moyenne a joué un rôle central dans l’émergence de ce secteur. Pour elle, les malls tout en un représentent une alternative pratique aux marchés du centre d’Accra, souvent encombrés. West Hills Mall a ainsi signé des contrats avec 65 magasins, sans compter les restaurants et les deux supermarchés ShopRite et Palace.
Le responsable d’Atterbury souligne que le groupe espère répondre aux attentes des consommateurs de la classe moyenne supérieure grâce à des enseignes de prêt-à-porter, comme Mr Price, Mango ou Edgards, et le supermarché Woolworths. Le groupe sud-africain s’intéresse aussi aux consommateurs haut de gamme. Même si les niveaux de revenus ne sont pas aussi élevés au Ghana que sur d’autres marchés du continent, Johan Venter pense que la population du pays est suffisamment importante pour porter cette industrie. « Nous avons par exemple Fifth Avenue, où vous pouvez entrer et acheter un stylo Mont Blanc pour 10 000 cedi [2 300 euros]. »
Une étude de 2013 du cabinet Sagaci Research montre pourtant que le Ghana est une destination moins attirante que le Sénégal et le Nigeria pour les marques internationales. Il n’apparaît même pas dans les cinq premiers pays cibles pour l’Afrique subsaharienne, selon Sagaci, qui exclut de son classement l’Afrique du Sud. L’étude place ainsi le centre Sea Plaza de Dakar en première position, suivi par Cap Sud, à Abidjan, et l’Ikeja City Mall, à Lagos.
Mais les investisseurs sont au rendez-vous et n’ont pas reculé, malgré l’appel à l’aide que le gouvernement a lancé en août au Fonds monétaire international (FMI) pour l’aider à résoudre ses lourds problèmes de déficit et de dépréciation de sa monnaie. À commencer par les entreprises sud-africaines, qui ouvrent la voie.
Broll Ghana, par exemple, est une coentreprise entre le groupe Broll, basé à Standton, le ghanéen State Insurance Company et SSNIT. De son côté, Atterbury développe d’autres sites au Ghana comme l’Achimota Mall, pour 55 millions de dollars, ainsi qu’un centre à Kumasi, pour un budget de 110 millions de dollars. Le groupe dépensera par ailleurs 130 millions de dollars dans la seconde phase de l’Accra Mall, et trois autres sites sortiront de terre d’ici à 2017.
Dans une Afrique de l’Ouest qui n’abrite que 12 % des centres commerciaux du continent (si l’on exclut l’Afrique du Sud), le Ghana se montre déjà très offensif.
Parmi les investisseurs sud-africains figure aussi Rand Merchant Bank, dont la filiale RMB Westport finance la construction du Junction Shopping Center de Nungua, dans la banlieue d’Accra.
Les États-Unis s’intéressent eux aussi à ce marché, notamment à travers le groupe immobilier BGI, qui se positionne sur la construction de centres commerciaux et d’autres sites de shopping ou de loisirs à Accra et à Kumasi.
Joe Ofori-Atta, directeur des supermarchés Woolworths au Ghana, estime qu’il est temps pour le pays de capitaliser sur ces investissements afin de créer un secteur qui rivalise avec celui des hydrocarbures. « La distribution pourrait contribuer de manière beaucoup plus significative au PIB. Avec de grands centres commerciaux, de grandes marques et des dépenses importantes », dit-il. D’après lui, le secteur pourrait aussi permettre de développer une industrie manufacturière locale plus compétitive et aider le Ghana à devenir un centre régional de la distribution.
Offensif
Pour ne pas laisser passer ces opportunités, Ofori-Atta appelle le gouvernement à se placer au coeur de la dynamique en offrant un environnement favorable au développement d’une offre locale. Importer des produits par les ports ghanéens peut, en effet, prendre jusqu’à quarante-deux jours, selon le rapport « Doing Business » de la Banque mondiale.
« Les dirigeants politiques doivent reconnaître et comprendre le bénéfice que l’on peut tirer du secteur de la distribution dans notre économie. Nous aurons des emplois durables et connaîtrons une grande expansion de l’industrie des services », insiste Ofori-Atta. Mais dans une Afrique de l’Ouest qui n’abrite que 12 % des centres commerciaux du continent (si l’on exclut l’Afrique du Sud), le Ghana se montre déjà très offensif. Selon des données de Broll, au moins 100 000 m2 d’espaces commerciaux seront construits d’ici à l’année prochaine dans le pays.
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