L’œil de Glez – Burkina Faso : vers la réhabilitation de Blaise Compaoré ?
Chassé du pouvoir en 2014, Blaise Compaoré est de moins en moins ostracisé au Burkina Faso. Retour en grâce populaire, opportunisme politicien ou trompe l’œil de l’Histoire ?
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Damien Glez
Dessinateur et éditorialiste franco-burkinabè.
Publié le 10 mai 2018 Lecture : 2 minutes.
« Je suis fier d’avoir servi le Burkina Faso aux côtés de Blaise Compaoré ». La phrase, entendue samedi 5 mai lors du 7e congrès ordinaire du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP, l’ex-parti au pouvoir), ne devrait pas surprendre, tant le départ précipité de l’ancien chef de l’État, le 31 octobre 2014, n’a pas été suivi d’une purge drastique dans le Landerneau politique burkinabè.
Cette fois, pourtant, la déclaration d’empathie envers l’ex-président exilé n’était pas prononcée par l’un de ces caciques qui refusèrent de migrer vers le Mouvement du peuple pour le progrès (MPP), la formation politique opportunément créée par des proches du « beau Blaise », lorsque le trône de ce dernier donna les premiers signes de vacillement. Ce samedi, c’est Zéphirin Diabré qui valorisait son apprentissage politique à l’ombre de cette statue présidentielle qu’il invita pourtant à déboulonner.
Adversaire de son adversaire
« Trahison ! », lancent déjà des internautes à cette figure de proue de l’opposition politique, pré-insurrection et post-insurrection -, censément solidaire des insurgés de 2014.
C’est que Diabré est un stratège politicien qui connaît son principal acquis – à savoir être le leader du premier parti d’opposition à l’Assemblée nationale -, et son principal échec – qui a été de ne pas être parvenu à passer le cap du premier tour de l’élection présidentielle de 2015, Diabré a alors terminé second, derrière un élu déjà majoritaire.
Il lui faut donc élargir sa base électorale. Sa cible privilégiée est aujourd’hui Roch Marc Christian Kaboré, et non Blaise Compaoré. De ce point de vue, le CDP est passé du statut d’adversaire à celui d’ « adversaire de son adversaire ». CQFD.
Mémoire sélective
Au-delà d’une arithmétique politique contre-nature, Zéphirin Diabré mise peut-être sur le retour en grâce d’un ancien autocrate « light », alors que son successeur s’enlise à mi-mandat.
>>> A LIRE – Burkina – Côte d’Ivoire : à Abidjan, Blaise Compaoré et son épouse coulent des jours tranquilles
N’a-t-on pas entendu certains Tunisiens abstentionnistes déclarer, en ce week-end électoral, que Zine El Abidine Ben Ali serait élu s’il faisait acte de candidature ? Certains Congolais démocratiques ne soutiennent-ils pas, des trémolos dans la voix, que l’ère Mobutu était l’époque où « il avait à boire et à manger » ? Déjà, des Burkinabè affirment qu’il y a trois ans, il y avait moins d’attentats terroristes et moins de délestages électriques.
Approximations d’une mémoire sélective ? Blaise Compaoré n’est pas près de recueillir les fruits de la nostalgie, encore moins les lauriers d’une éventuelle réhabilitation. Il fut inculpé par la justice burkinabè, en tant que ministre de la Défense, et son acquisition de la nationalité ivoirienne est plutôt le signe qu’il entend s’enraciner dans la Côte d’Ivoire de son épouse Chantal…
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