[Tribune] Professionnaliser les fédérations africaines
La plupart des fédérations africaines ont pris une très mauvaise habitude, celle d’attendre le dernier moment pour nommer un sélectionneur.
Tribune. La Côte d’Ivoire et le Cameroun, pour ne parler que des gros bras du continent, sont dans ce cas actuellement : les Belges Marc Wilmots et Hugo Broos ont quitté respectivement Abidjan en novembre et Yaoundé en décembre, et les locaux Ibrahim Kamara et Alexandre Belinga assurent l’intérim jusqu’à la nomination de nouveaux techniciens.
Le Cameroun est qualifié d’office pour la CAN 2019. Cela m’aurait donc semblé logique de nommer rapidement un coach
Pour Patrick Mboma, l’ancien buteur des Lions indomptables camerounais, cet attentisme est une pure aberration. « Le Cameroun est qualifié d’office pour la CAN 2019, qu’il va organiser. Cela m’aurait donc semblé logique de nommer rapidement un coach. Même chose pour la Côte d’Ivoire : le nouveau va vraiment découvrir ses joueurs dix jours avant un match de qualification en septembre ! Ce n’est pas professionnel. »
Nominations tardives
Les fédérations, qui dépendent presque systématiquement des États, avancent souvent des questions économiques pour retarder la désignation d’un entraîneur. Un argument balayé par Mboma : « On va économiser trois fois rien ! Mais on préfère mettre un intérimaire local, avec un salaire plus modeste, qui sera content d’être là et n’embêtera personne. Travailler dans l’urgence est préjudiciable. »
Autre curiosité africaine lors des appels à candidatures, la demande faite aux postulants d’envoyer un projet pour la sélection ! Le bon sens voudrait au contraire que ce projet soit porté par l’institution.
C’est une preuve supplémentaire du manque de professionnalisme de ceux qui dirigent le foot africain
« C’est une preuve supplémentaire du manque de professionnalisme de ceux qui dirigent le foot africain », intervient Didier Ovono, le gardien des Panthères du Gabon, qui ne s’est toujours pas remis du timing de la nomination de l’Espagnol José Antonio Camacho un mois et demi avant le début de la CAN 2017, organisée dans son pays.
« Il ne parlait pas un mot de français, ne connaissait pas les joueurs. Vous pensez que c’est lui tout seul qui a fait sa liste, même si c’est un coach compétent ? » interroge le gardien du Paris FC (Ligue 2).
Gagnant-gagnant
Le football africain aurait ainsi tout à gagner à se professionnaliser, d’Alger au Cap, de Libreville à Nairobi. Dans l’organisation de ses championnats. Dans l’amélioration de ses structures, la mise en place d’un vrai statut du joueur. Sans oublier la formation des jeunes, des entraîneurs et des dirigeants.
Pourquoi les États ne s’impliquent-ils pas davantage, alors même que le football est très politique en Afrique ?
Pourquoi les États ne s’impliquent-ils pas davantage, alors même que le football est très politique en Afrique ? Combien de chefs d’État s’en sont emparés pour faire passer des messages ou se faire mousser ? Ses vertus sociales, économiques ou éducatives sont avérées, mais souvent mal comprises ou mal exploitées par des hommes qui incarnent le pouvoir politique ou sportif et sont supposés être des visionnaires.
Bien sûr, certains championnats fonctionnent très bien, mais d’autres ont une régularité plus qu’aléatoire. Et des clubs – le TP Mazembe en est un des principaux exemples – n’auraient jamais pu se développer sans leurs mécènes.
« L’argent versé par la Fifa doit être mieux contrôlé. Et la CAF a un rôle à jouer : en proposant des options aux fédérations pour développer les championnats, en accordant des délais, le temps que les choses se mettent en place », poursuit Mboma.
Avec des championnats structurés et réguliers à tous les échelons, des joueurs formés, des stades adaptés et des terrains entretenus, les investisseurs hésiteront beaucoup moins à injecter de l’argent dans le football local.
Et celui-ci sera doublement vainqueur : ses joueurs, s’ils bénéficient de conditions convenables, préféreront toujours rester en Afrique, au moins momentanément, plutôt que de s’exiler au Vietnam, en Albanie ou en Géorgie, des destinations réservant souvent de très mauvaises surprises. Et les clubs africains, quand ils vendront les meilleurs en Europe, s’y retrouveront économiquement, puisque l’argent gagné sera réinvesti. Qu’attendent les fédérations ?
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