Les visages de l’oncle Sam

Une enquête du Pew Research Center*, le plus pointu des instituts de sondage américains, révèle que les Yankees croient autant en Dieu que dans la science.

Publié le 31 juillet 2006 Lecture : 4 minutes.

Quand George W. Bush a dit aux électeurs : « Je ne vois pas comment on peut être président sans être en relation avec le Seigneur », il parlait à une majorité d’Américains, tout autant formée de démocrates que de républicains : plus de 90 % des Américains croient en Dieu. Un chiffre à comparer aux 61 % de croyants anglais et aux 50 % de Français. Quatre fois plus d’Américains que d’Allemands ou de Français avouent croire en l’enfer. De même, 58 % des Américains disent qu’il faut croire en Dieu pour être moral ; parmi les pays développés, le suivant immédiat est le Canada – dont seuls 30 % des habitants adhèrent à la même assertion Le rapport du Pew Research Center met également en exergue le lien entre la religiosité de l’Amérique et le sentiment qu’elle a d’être exceptionnelle. Presque la moitié des Américains est d’accord avec l’affirmation suivante : « Les États-Unis ont fait l’objet d’une protection spéciale de la part de Dieu. » Soixante pour-cent d’entre eux souscrivent aussi aux théories créationnistes sur l’origine de l’homme.
La très protestante conception américaine de Dieu (John F. Kennedy, le seul président américain qui n’était pas protestant, est aussi le seul qui ait eu à promettre qu’il ne laisserait pas ses croyances religieuses peser dans sa fonction) explique aussi certains de ses instincts économiques. À une large majorité, les Américains disent que les individus sont seuls responsables de leurs échecs et que l’État n’a pas à aider les pauvres.
Jusque-là, le sondage ne s’éloigne pas des idées reçues, mais il est vrai que ceux qui estiment que l’Amérique est uniquement religieuse – ou qu’elle est unique parce qu’elle est la seule des nations riches à être religieuse (le Japon arrivant en tête des pays athéistes) – ont de solides arguments.
Mais les Américains ont aussi une foi plus grande dans la science que les autres habitants de la planète, qu’ils vivent dans des pays riches ou pauvres. De même, un grand nombre d’Américains défendent le mariage civil des homosexuels, le droit des femmes à l’avortement et l’euthanasie. Les Américains sont clairement pour la peine de mort, mais cela ne les différencie pas de la plupart des pays du monde, y compris en Europe. Pas plus que les Américains ne se différencient des autres pays par un esprit particulièrement belliqueux. L’opinion publique américaine est également en parfaite harmonie avec les autres pays anglo-saxons lorsqu’elle se dit favorable aux actions militaires préventives. Deux tiers des Américains et des Britanniques déclarent qu’avoir recours à l’armée, à titre préventif, est parfois ou souvent justifié (le Pakistan est le pays qui y est le plus favorable – plus encore qu’Israël).
Alors que la plupart des Européens et des Japonais y ont renoncé, les Américains continuent à revendiquer une supériorité culturelle. Ils partagent une inextinguible confiance en eux avec des nations aussi diverses que l’Inde, le Nigeria ou certains pays du Moyen-Orient. Si bien que quand on la compare aux points de vue de ces différentes populations, l’opinion américaine semble bien peu originale.
Si l’on prend comme critère de jugement la religiosité, c’est l’Europe qui est insolite. Mais lorsque l’on choisit comme critère l’attitude face à la mondialisation, on pourrait attendre des Américains qu’ils y soient favorables. En réalité et invariablement, 60 % d’entre eux disent qu’ils seraient pour le relèvement des barrières douanières s’il s’agissait de protéger leurs emplois. Le soutien populaire au libéralisme est, chez les Américains, nettement moins important que chez les Britanniques. Pour beaucoup de non-Américains, les termes de « mondialisation » et « d’américanisation » sont interchangeables. Pourtant, les Américains ont aussi peur de la mondialisation que les autres – plus des deux tiers d’entre eux disent qu’elle menace leur qualité de vie. Ce malentendu s’explique sans doute par le fait qu’ils interagissent peu avec le reste du monde. Entre 1997 et 2002, seulement un cinquième d’entre eux a voyagé à l’étranger et seulement un quart a téléphoné ou échangé une correspondance avec quelqu’un résidant à l’étranger, toujours selon le même sondage du Pew Research Center.
Chacun sait que mesurer les attitudes est un terrain glissant. Ce que les gens déclarent ne correspond parfois pas à la manière dont ils se comportent. Les questions posées en disent parfois plus long sur la personne qui les pose que sur celle qui y répond. Il y a cependant une caractéristique que l’on retrouve tout au long des réponses des Américains : c’est leur optimisme. Plus des trois quarts d’entre eux croient qu’il existera bientôt des médicaments pour guérir tous les cancers et le sida, que des hommes visiteront Mars et que le cadre de vie s’améliorera. La foi que les Américains ont dans la science n’a pas faibli. Parallèlement, presque la moitié d’entre eux croit que Jésus reviendra un jour sur la Terre. Les enquêteurs du Pew Research Center ne leur ont pas demandé dans quel pays il ferait son retour.

* America Against the World d’Andrew Kohut et Bruce Stokes est publié par Times Books, Henry Hold and Company (15,75 dollars sur www.amazon.com).

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