[Tribune] L’eau et l’électricité, une joie éphémère

Avec des prestations aléatoires des fournisseurs et un manque d’équité dans les délestages, plusieurs villes africaines sont régulièrement privées d’eau potable et d’électricité. Ce qui est en jeu, ce sont la bonne gouvernance et le respect des citoyens, analyse Tshitenge Lubabu M.K.

Dans le quartier de Micao à Yopougon, Abidjan, des habitants attendent la livraison du camion citerne d’eau potable, le 13 mars 2017. © Jeune Afrique

Dans le quartier de Micao à Yopougon, Abidjan, des habitants attendent la livraison du camion citerne d’eau potable, le 13 mars 2017. © Jeune Afrique

ProfilAuteur_TshitengeLubabu
  • Tshitenge Lubabu M.K.

    Ancien journaliste à Jeune Afrique, spécialiste de la République démocratique du Congo, de l’Afrique centrale et de l’Histoire africaine, Tshitenge Lubabu écrit régulièrement des Post-scriptum depuis son pays natal.

Publié le 18 mai 2018 Lecture : 3 minutes.

Dans la moiteur de la nuit tropicale, entre des phrases creuses et des piqûres de moustiques obstinés, une clameur s’échappe spontanément et en même temps de centaines de poitrines. Une clameur ? Plutôt une plainte, la traduction d’une amertume : « Aaaaaaaaaaaaaaaaah ! » Rassurez-vous, il ne s’agit pas de téléspectateurs en train de suivre un classique entre le FC Barcelone et le Real Madrid.

Ces brailleurs sont des Kinois rassemblés par hasard pour profiter du temps qui passe en construisant et déconstruisant le monde. Pour la énième fois, ils constatent les infidélités chroniques de l’entreprise étatique fournisseuse d’électricité. Rien ne les étonne plus outre mesure, car ils savent que, chez eux, l’invraisemblable est la norme.

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Quand l’électricité sera rétablie, ce qui n’est pas garanti, les mêmes vont utiliser une autre interjection pour exprimer leur joie éphémère : « Oooooooooooooooooooooooooohhhhhhh ! » Vous l’avez remarqué, c’est la même réaction lorsque Messi ou Ronaldo marque un but. Je présume, en me fondant sur mes pérégrinations à travers le continent, que rien n’a bougé dans plusieurs de nos capitales et villes.

1 % des usagers est baigné par la lumière, 99 % sont les otages des ténèbres

C’est clair et net : le déficit énergétique est une véritable calamité, ne serait-ce qu’au niveau de la vie quotidienne des citoyens, partagés entre la résignation et les récriminations stériles. Faut-il s’en accommoder ? Bien sûr que non, même si d’aucuns pensent que l’amélioration viendra lorsque les poules auront des dents. Ce qui est en jeu, ce sont la bonne gouvernance et le respect des citoyens.

Indélicatesse nauséeuse

Qui peut expliquer pourquoi, dans un même quartier, il n’y a pas d’équité dans les délestages ? Je suis sûr que vous l’avez noté dans vos villes respectives : un pour cent des consommateurs de courant est baigné par la lumière pendant que 99 % sont les otages des ténèbres… C’est le fruit, et tout le monde le sait, des combines entre des agents véreux de l’entreprise qui fournit l’électricité et des consommateurs d’une indélicatesse nauséeuse qui se targuent d’avoir des lignes particulières.

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Vous me direz que chacun a le droit de se débrouiller comme il peut. Sauf que là il ne s’agit pas de débrouillardise mais de tricherie et de corruption. Pendant ce temps, j’ai du mal à finir ce texte parce que le courant a juré de jouer avec moi à cache-cache : il arrive et s’éclipse toutes les trente secondes en espérant que je finirai par perdre le nord ou, si vous préférez, le sud.

Peine perdue : je m’accroche jusqu’au point final. Mais quand la facture mensuelle viendra, je paierai toujours la même somme parce que les multidélestages au quotidien n’ont pas été pris en compte. Entre nous, n’avez-vous pas la preuve que, comme vous et tous les autres prolétaires, je me fais plumer ?

Je bois de l’eau minérale. Pour ma toilette, je chauffe la fameuse eau officielle. Quand elle ne vient pas, je me tourne vers l’eau de pluie. Bravo mesdames et messieurs les fournisseurs !

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L’eau, parlons-en. J’ai sous les yeux un ouvrage écrit par un confrère belge il y a une trentaine d’années. Parlant de mon pays, il dit : « Et cet immense pays […] qui dispose du réseau hydrographique le plus dense et le plus puissant du globe… » Oui, je reconnais que cette assertion me flatte. Mais il y a un hic. L’entreprise nationale pourvoyeuse d’eau a quasiment le même mode de fonctionnement que sa commère chargée de nous vendre de l’électricité : ses prestations sont aléatoires. Conséquence : nous passons des jours sans que la moindre goutte d’eau sorte du robinet.

Raison pour laquelle nous avons dans nos maisons une multitude de récipients dans lesquels nous stockons le précieux liquide. Quand on daigne bien nous l’envoyer, nous n’avons pas besoin de diplômes pour nous rendre compte qu’elle est dangereusement impropre à la consommation.

D’où un choix douloureux. Je bois de l’eau minérale. Pour ma toilette, je chauffe la fameuse eau officielle. Quand elle ne vient pas, je me tourne vers l’eau de pluie. Bravo mesdames et messieurs les fournisseurs !

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