Congo-Brazzaville : le général Mokoko, premier dignitaire lourdement condamné
Principal opposant au président congolais Denis Sassou Nguesso, le général Mokoko, 71 ans, a été condamné vendredi à 20 ans de prison par la justice à Brazzaville, où selon des analystes une guerre de succession au chef de l’État se mène déjà en coulisses.
Ex-chef d’état-major et ex-conseiller du président Sassou, Jean-Marie Michel Mokoko, en détention depuis juin 2016, a été reconnu coupable d’ »atteinte à la sécurité de l’État » par la cour criminelle de Brazzaville. Il dispose de trois jours pour se pourvoir en cassation.
C’était le premier d’une série de trois procès d’ex-dignitaires non sans lien, selon des observateurs, avec la succession de Sassou Ngesso, 74 ans dont près de 35 à la tête du Congo-Brazzaville.
Sept autres « complices » du général Mokoko, dont six Français, jugés par contumace, ont été condamnés à la même peine, selon la cour.
« Prisonniers politiques »
Pendant le procès, une vingtaine d’activistes de mouvements citoyens ont été arrêtés pour avoir placardé des affiches demandant la libération des « prisonniers politiques ».
Sans faire directement allusion au procès, l’épiscopat avait souligné jeudi le besoin d’ »une justice équitable et indépendante » et demandé de « libérer toutes les personnes en prison à la suite des contentieux politiques », dans un long message sévère sur l’état général du pays.
Candidat à l’élection présidentielle de mars 2016, le général Mokoko avait refusé de reconnaître la réélection contestée du président Sassou, et avait appelé à la désobéissance civile.
Il était également poursuivi pour détention d’armes et trouble à l’ordre public. « Au 21ème siècle on ne peut pas envisager de prendre le pouvoir par les armes avec l’aide des mercenaires étrangers », a déclaré l’un des avocats de l’État congolais, un Français inscrit au barreau de Brazzaville, Me Gérard Deviller.
« Règlement de comptes politiques »
Fidèles à leur ligne de défense, ni le général, ni ses avocats ne se sont exprimés vendredi. Le général Mokoko, qui a qualifié son procès de « règlement de comptes politiques », a invoqué une immunité qu’il affirme tenir de son statut de « dignitaire de la République ».
Pendant le procès, le procureur a présenté des scellés supposés contenir les preuves, à savoir des armes et une vidéo datant de 2007 où le général Mokoko semble ourdir un coup d’État avec d’autres interlocuteurs.
Après le général Mokoko, un autre officier, le général Norbert Dabira, doit être jugé le 15 mai pour « atteinte à la sécurité intérieure de l’État ».
La cour jugera par la suite Jean-Martin Mbemba, ex-ministre d’État, également pour atteinte à la sécurité intérieure de l’État.
Un autre candidat à la présidentielle, André Okombi Salissa, est détenu pour les mêmes motifs depuis janvier 2017. La date de son procès n’est pas connue.
Guerre de succession en coulisses
Réélu pour un mandat de cinq ans en 2016, le président Sassou Nguesso avait obtenu par référendum en 2015 une modification de la Constitution pour pouvoir se représenter et rester au pouvoir.
Des analystes affirment qu’une guerre de succession a déjà commencé dans les coulisses du pouvoir, de la famille du président, et du Parti congolais du travail (PCT).
Depuis quelques semaines, un des fils du président, Denis Christel, dit Kiki, se montre très actif, sans que l’on sache si c’est avec ou sans l’accord de son père ou du PCT, selon un observateur de la vie locale.
Le 2 mai, Denis Christel Sassou Nguesso a lancé l’initiative « le Congo que nous voulons demain » avec des jeunes, après avoir publié un livre « Ce que je crois » dans lequel il développe sa vision d’un pays débarrassé de la corruption.
« Une purge »
« Aujourd’hui, on est en train de vivre la ‘refondation’ du PCT. C’est une purge que Sassou est en train de faire pour laisser la voie libre à la succession de son fils », avance le défenseur des droits de l’homme et observateur politique Roch Euloge Nzobo.
« Mokoko, Okombi et autres sont en train de payer pour des raisons politiques. Nous sommes dans une guerre succession de pouvoir, alors il faut écarter ceux qui gênent coûtent que coûtent », affirme Trésor Nzila, directeur exécutif de l’Observatoire congolais des droits de l’homme.
Si les tensions politiques restent latentes, le petit État pétrolier tentent de sortir d’une crise économique bien réelle qui se traduit par une dette plus lourde que le PIB.
Le Fonds monétaire international (FMI) a envisagé la signature prochaine d’un accord de relance économique soumis à des « exigences de gouvernance ». En clair, la fin de la corruption.
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