La solidarité des faibles

Publié le 31 juillet 2006 Lecture : 2 minutes.

« Je suis arrivée hier du Liban, où j’ai vécu quatre nuits de bombardements. Mais mon père est resté avec tous les autres enfants. Ils n’ont pas eu la chance de partir. » Ce témoignage de Rounia Derwiche, une jeune Libanaise de 9 ans, a ému les centaines de personnes rassemblées le 20 juillet devant les grilles de la Radiotélévision sénégalaise (RTS), à Dakar. Habillés de tee-shirts blancs barrés de slogans en rouge (« Le Liban meurt, la diplomatie dort », « Bush assassin ! », « Sauvons le Liban », « Honte à Israël et à ceux qui laissent faire ! »), les manifestants, pour la plupart libanais et libano-sénégalais, ont été accompagnés dans leur marche par des leaders sénégalais de tous bords : des opposants Moustapha Niasse, Amath Dansokho et Mahmoud Saleh au fils du président, Karim Wade
Au Togo, qui accueille une forte communauté de Libanais actifs dans le commerce et de nombreux autres secteurs de l’économie, la guerre a suscité des réactions aussi indignées. À la Maison du Liban, une grosse bâtisse qui trône sur le boulevard du Mono, face à l’océan, un comité de crise siège en permanence depuis les premières frappes sur Beyrouth, coordonne le rapatriement de Libano-Togolais, informe les familles, mène le lobbying en direction des autorités du pays
De Dakar à Djibouti, de Bamako au Cap, des voix s’élèvent chaque jour pour dénoncer « la riposte disproportionnée d’Israël » et « la destruction délibérée du Liban ». Après les condamnations officielles, les gouvernements ont pris des initiatives pour faire évacuer leurs ressortissants de Beyrouth. Deux pays ont été particulièrement sollicités à cet effet : le Maroc et le Nigeria. Ce dernier a aidé au rapatriement quelque cinq cents Subsahariens, dont ses nationaux, mais également des Béninois, des Éthiopiens, des Libériens
Le « géant de l’Afrique » est également le pays où la dénonciation de la guerre a été le plus vive. Surtout dans ses États musulmans du Nord où les frappes israéliennes sont vécues comme une agression contre la Oumma, la communauté islamique. La mort à Beyrouth de deux Nigérians, victimes des bombardements, a également pesé sur la fermeté de la réaction fédérale.
Un autre poids lourd de la diplomatie africaine, l’Afrique du Sud, a multiplié les initiatives. Ce qui n’a rien de surprenant : le Congrès national africain (ANC, au pouvoir) a des rapports anciens avec l’Organisation de libération de la Palestine (OLP). Non content d’avoir vivement dénoncé l’action militaire d’Israël, Thabo Mbeki a multiplié les coups de fil à ses homologues du continent et invité l’Union africaine et la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC) à réagir.
Éloignée du théâtre des hostilités, mais traumatisée par les images d’apocalypse diffusées en boucle sur les chaînes de télévision nationales et internationales, l’Afrique noire est révoltée par l’attitude d’Israël et de son armée. Un sentiment d’impuissance résignée et une sorte de solidarité des faibles rapprochent les Subsahariens des habitants de Gaza et de Beyrouth.

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