Start-up de la semaine : Yassir, l’application mobile qui veut « ubériser » le transport en Algérie

S’inspirant du géant américain Uber, Yassir est la première application mobile en Algérie à connecter des usagers à des chauffeurs de taxi.

Une station de taxi dans le centre d’Alger en 2007. © Omar Sefouane pour JA

Une station de taxi dans le centre d’Alger en 2007. © Omar Sefouane pour JA

Publié le 17 mai 2018 Lecture : 4 minutes.

L’Algérie ne résiste pas au phénomène d’ubérisation du transport. Deux ingénieurs algériens, amis depuis les bancs de l’École nationale polytechnique d’Alger, ont lancé en septembre dernier Yassir, la première plateforme de VTC (voitures de transport avec chauffeur) du pays.

Yassir met en relation des utilisateurs avec des conducteurs de taxi, qui sont géolocalisés à l’aide de leur smartphone.  Le prix de la course est calculé en fonction de la distance et de la durée estimée du trajet. Une commission, qui oscille entre 20 et 25 % du coût de la course, est prélevée par la plateforme. Un principe calqué sur celui proposé par le modèle du géant américain Uber qui n’est pas présent sur le territoire algérien et a récemment jeté l’éponge chez le voisin Maroc.

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Paiement de la course en liquide

Faute de solution de paiement en ligne, les développeurs algériens ont dû s’adapter. À la différence d’Uber, le règlement d’une course sur Yassir s’effectue en liquide, pour le moment. « Quelques véhicules sont équipés d’un TPE [terminal de paiement électronique]. Notre objectif à long terme est de supprimer le paiement par cash », ambitionne Mahdi Yettou, co-créateur de Yassir. Dans le schéma actuel, les chauffeurs de taxi encaissent avant de reverser à la société de VTC sa part.

Selon le duo d’entrepreneurs, ce projet de start-up s’est imposé comme une « évidence ». « Le besoin était là, étant donnée l’insuffisance de transports en commun dans le pays, notamment dans la capitale, et le manque de flexibilité de certains conducteurs de taxi », explique Mahdi Yettou, cofondateur de Ya Technologies, la société algéro-américaine qui a créé l’application mobile.

Il y a des avantages à créer une société […] avec un partenaire américain

Si ce dernier a fait le choix de rentrer dans son pays natal en 2008, après dix ans passés au Canada, son associé, Noureddine Tayebi, a quant à lui préféré rester vivre en Californie. Installé à Palo Alto, dans le nord de la Silicon Valley, il pilote à distance la plateforme digitale.

Leur éloignement aurait pu être un frein. Mais pour les deux associés, cette configuration s’est avérée un atout. « Il y a des avantages à créer une société sur le modèle 51/49 avec un partenaire américain [la loi algérienne impose aux entreprises étrangères présentes sur le territoire un minimum de 51% du capital détenu par un ressortissant algérien, ndlr]. Par son biais, on peut profiter de l’écosystème de la Silicon Valley. Quand nous rencontrons une difficulté avec le développement de l’application mobile à Alger, mon associé peut organiser très rapidement une visioconférence avec l’un des meilleurs experts au monde pour assister nos ingénieurs », explique Mahdi Yettou, qui continue d’exercer en tant que professeur de génie mécanique à l’université de Bab Ezzouar à Alger.

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Yassir n’en reste pas moins « un pur produit algérien », insistent ses cofondateurs. « L’application a entièrement été conçue par de jeunes talents algériens, dès la première ligne de codes. Certains développeurs ont été recrutés avant même de finir leurs études », confie le cofondateur de la start-up.

Une centaine d’employés d’ici la fin de l’année

En mars 2017, au moment de la création de la société, l’équipe était composée d’un noyau de six éléments. Un an plus tard, la start-up emploie 45 personnes. Elle ambitionne de compter dans ses effectifs une centaine d’employés d’ici la fin de l’année.

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L’équipe grandit à mesure que la société se déploie sur le territoire algérien. Après quelques mois de rodage dans la capitale, l’application est opérationnelle à Oran, Blida et Constantine depuis février dernier.

D’autres villes pourront prochainement tester ce service. « On veut être présent dans les 20 wilayas les plus habitées du pays d’ici fin 2018 [sur les 48 que compte l’Algérie,ndlr]. On va bientôt couvrir Béjaïa, Sétif et Mostaganem. L’objectif d’ici fin 2019, c’est d’être actif sur l’ensemble du territoire », espère Mahdi Yettou.

Malgré quelques pannes passagères, causées par des modifications du code, la plateforme digitale séduit les voyageurs algériens. En l’espace de moins d’une année, l’application mobile disponible sur Android et iOS a enregistré plus de 200 000 téléchargements. Elle revendique la première place dans le top des applications mobiles algériennes en termes de téléchargements.

Bon accueil des chauffeurs de taxi

Du côté des chauffeurs de taxi, on constate un même engouement. Alors que dans certains pays, des professionnels du secteur se sont mobilisés contre cette nouvelle forme de concurrence, l’arrivée d’un service de VTC a été bien accueillie en Algérie. Et au siège de la jeune entreprise à Alger, les candidats se poussent même des coudes pour rejoindre ce réseau.

A ce jour, 2 5000 comptes de conducteurs, dont une centaine de femmes et 300 chauffeurs munis d’une licence, ont été activés sur la plateforme. 6 000 autres dossiers attendent d’être examinés. Il faut dire que les conditions de recrutement, à l’instar de celles d’Uber, sont relativement souples : avoir plus de 21 ans, le permis, un casier judiciaire vierge, un véhicule de moins de 10 ans et suivre une formation de deux heures sur l’utilisation de l’application.

Les profils sont variés : anciens chômeurs, chauffeurs de taxis clandestins, étudiants, salariés ou encore retraités de la fonction publique. « On intègre en moyenne 50 nouveaux chauffeurs par jour. On aura 100 000 chauffeurs dans toute l’Algérie d’ici fin 2019 », affirme Mahdi Yettou.

Reste à régler la question de leur statut. Ils signent tous un « contrat de partenariat » avec Ya Technologies, mais celui-ci ne leur garantit pas de couverture sociale. Le secteur du VTC n’est pas encore réglementé en Algérie. « Nous réfléchissons avec les ministères des Finances, du Travail et du Transport ainsi que la wilaya d’Alger à la définition d’un statut pour ces chauffeurs et la création d’un nouveau code d’activité, qui comprendra l’activité de VTC », confie enfin Mahdi Yettou.

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