Israël-Palestine : à l’ombre de la guerre, un drame humanitaire appelé Gaza…
La mort d’une soixantaine de manifestants palestiniens vaut à l’État hébreu de vives condamnations internationales. Outre la polémique sur le recours à la force, la stratégie israélienne pose question dans un territoire au bord du désastre humanitaire.
« Rien n’est gratuit » avait prévenu le ministre israélien de la Défense, Avigdor Lieberman, le 12 mai. « L’inauguration de l’ambassade américaine à Jérusalem aura un prix, et il vaut la peine d’être payé ». Celui-ci est venu de la bande de Gaza, lundi 14 mai, sur fond de festivités dans la ville sainte où avaient été accrochés un peu partout le drapeau étoilé des États-Unis et des banderoles faisant l’éloge du président Donald Trump. La soixantaine de morts palestiniens, tombés pour la plupart sous les balles israéliennes en tentant de franchir ou de saboter les barbelés, ont lourdement endeuillé cette journée.
L’État hébreu se retrouve à nouveau placé sur le banc des accusés et peine à justifier un nombre aussi élevé de victimes à sa frontière. « Le Hamas avait depuis longtemps annoncé la couleur et nos services de sécurité avaient tiré la sonnette d’alarme. Rien n’a été fait pour empêcher ce bain de sang. Il est évident que notre armée va devoir rendre des comptes », s’exaspère Amos Harel, le correspondant et expert des questions militaires et de défense pour le journal Haaretz. Malgré l’opposition des États-Unis au Conseil de sécurité de l’ONU, la Grande-Bretagne et l’Allemagne ont réitéré leur appel à établir une commission d’enquête indépendante sur les récents événements à Gaza.
Désolé mon commandant, je ne vais pas tirer ! » clame l’ONG israélienne B’Tselem dans un slogan
À Tel-Aviv, un millier d’Israéliens ont manifesté, mardi 15 mai, pour dénoncer un « massacre » et s’élever contre le Premier ministre, Benyamin Netanyahou, accusé de précipiter leur pays vers la guerre. Cette mobilisation fait écho à celle entamée depuis plusieurs semaines par des ONG israéliennes défendant les droits des Palestiniens, à l’instar de B’Tselem qui appelle les soldats à la désobéissance. Leur slogan de campagne, « désolé mon commandant, je ne vais pas tirer », est apparu sous la forme d’encarts publicitaires dans la plupart des journaux israéliens. « L’utilisation de balles réelles contre des manifestants ne posant aucune menace est immoral. Les règles d’engagement au tir doivent être réévaluées sans délai », martèle Amit Gilutz, le porte-parole de B’Tselem.
Le risque d’une escalade militaire
Cette question est d’autant plus cruciale que les manifestations à la frontière de Gaza sont amenées à se poursuivre dans les prochaines semaines, y compris pendant le jeûne du Ramadan qui a débuté ce jeudi 17 mai. À chaque journée d’affrontements, plane le risque d’une escalade militaire. Pourtant, selon les estimations du renseignement militaire israélien, le Hamas chercherait davantage à obtenir un allègement du blocus imposé au territoire sous son contrôle depuis 2007, qu’à entraîner son pire ennemi dans un quatrième conflit armé que supporterait difficilement la population palestinienne.
C’est l’enjeu des tractations menées ces jours-ci par l’Égypte et le Qatar, conscients que la crise humanitaire à Gaza conduira inexorablement à une nouvelle explosion. Facteur aggravant : les luttes intestines inter-palestiniennes. En premier lieu, celle opposant le mouvement islamiste au président Mahmoud Abbas. Pour forcer le Hamas à accepter son autorité, Abbas a cessé de verser les salaires des employés du Hamas et, surtout, de s’acquitter auprès d’Israël des factures permettant l’approvisionnement en électricité de Gaza, condamnant les hôpitaux et la population à s’en remettre à de coûteux générateurs. « Les pressions d’Abbas visent à pousser le Hamas à une guerre contre nous », martèle depuis des mois, Avigdor Lieberman.
Secourir Gaza
Pour autant, Israël n’est pas exempt de tout reproche. Par souci de ne pas renforcer sa bête noire, le gouvernement Netanyahou tarde à mettre en œuvre des projets qui lui ont été soumis pour soulager les civils de Gaza. Ainsi, la création d’une île artificielle au large de l’enclave palestinienne, dotée d’un port et d’un aéroport, se heurte toujours au refus de certains ministres, en dépit des mécanismes de contrôle proposés par l’establishment sécuritaire israélien pour éviter le trafic d’armes.
« Israël doit impérativement changer sa politique et reconnaître Gaza comme un État à sa frontière dont le gouvernement a été élu de manière relativement démocratique », affirme Giora Eiland, l’ancien directeur du Conseil de sécurité nationale. C’est précisément parce que l’unique intérêt israélien à Gaza est sécuritaire que nous devons reprendre l’initiative et offrir des perspectives économiques à sa population. »
Le territoire de Gaza dont les Israéliens disent ne pas vouloir est toujours occupé car ils contrôlent ses accès terrestres et maritimes. Le Hamas n’est qu’un prétexte », déclare Hind Khoury
Avant la rupture des relations diplomatiques avec l’administration Trump, le Premier ministre palestinien, Rami Hamdallah, s’était vu proposer un plan d’urgence de l’émissaire américain au Proche-Orient, Jason Greenblatt. Approuvé par Israël, celui-ci prévoyait la construction d’une nouvelle centrale électrique, d’une usine de dessalement pour faire face à la pollution de la nappe phréatique à Gaza ou encore, la réouverture d’une zone industrielle au poste-frontière d’Erez, destinée aux travailleurs palestiniens.
Les récentes violences, ajoutées aux tensions entre Ramallah et Washington autour de l’ouverture d’une ambassade des États-Unis à Jérusalem, ont eu raison de cette initiative. « Les Israéliens nous enfument parce qu’ils se sentent sous pression, déclare Hind Khoury, l’ancienne déléguée de la Palestine à Paris. Aujourd’hui encore, 80 % des habitants de Gaza vivent grâce à l’aide de l’ONU et non d’Israël. Ce territoire dont les Israéliens disent ne pas vouloir est toujours occupé car ils contrôlent ses accès terrestres et maritimes. Le Hamas n’est qu’un prétexte. »
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